Violences faites aux femmes : la double peine des lesbiennes

mercredi 20 mars 2013
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Intervention de la CLF lors de la conférence organisée par le Planning familial le 5 mars 2013 au sénat sous le titre : "Violences faites aux femmes : la double peine des lesbiennes".

Qui est la CLF

La Coordination lesbienne en France (CLF) est un mouvement national qui touche environ 2000 lesbiennes. Elle a été créée en 1997 sous forme d’association :

  • Pour regrouper les associations lesbiennes féministes et individuelles en assurant un lien permanent entre toutes et coordonnant les actions au niveau national ;
  • Contre la lesbophobie et toutes les discriminations ;
  • Pour la visibilité et les droits des lesbiennes ;
  • Dans une société solidaire, égalitaire et laïque.

La CLF, ainsi que ses associations membres de Strasbourg, Marseille, Grenoble, Toulouse, Paris etc. sont féministes et abolitionnistes.
Les dossiers sur lesquels la CLF s’investit en 2013 sont :

Les droits propres : Notre système juridique, fiscal social est encore largement dominé par une vision familialiste de la société, on y considère encore l’individuE en relation avec son statut conjugal et non en tant que citoyenne et citoyen autonome. Or d’autres voies existent, ce que nous sommes en train d’explorer avec un groupe de travail national.

La GPA. Gestation pour Autrui. Avec la Cadac et le Planning familial, la CLF s’est élevée contre la légalisation de la GPA, système qui instrumentalise le corps des femmes au profit des catégories sociales les plus aisées et en contravention avec le principe de non commercialisation du corps humain que nous défendons.

LE CONCEPT DE LESBOPHOBIE EST NE A LA FIN DES ANNEE 90 PAR REACTION A L’INVISIBILISATION DES LESBIENNES AVEC LE TERME FAUSSEMENT UNIVERSALISTE D’HOMOPHOBIE

Le terme « lesbophobie » apparaît officiellement en 1998 dans « le Rapport détaillé sur la Lesbophobie dans le monde », présenté par la Coordination Lesbienne en France à Montréal, à l’occasion de la préparation de la Marche Mondiale des Femmes contre les violences et la pauvreté. Le terme qui répond à un vrai besoin de nommer les discriminations spécifiques dont sont victimes les lesbiennes s’étoffe d’une définition et fait l’objet d’une entrée au « Dictionnaire de l’homophobie » à l’instigation de la CLF.

Mais c’est un autre évènement qui va déclencher sa popularisation.
En effet, le 31 janvier 1999, les manifestants anti-PaCS scandent "les Pédés au bucher"...En réponse des partis politiques de gauche (PCF-Verts) et un collectif d’associations mixtes élaborent des propositions de loi contre l’homophobie. Or, dans ces propositions de loi, l’exposé des motifs ne prend en compte que des cas de violences faites aux gays. La CLF révoltée décide d’utiliser le terme lesbophobie et de le faire connaitre pour rendre visibles les discriminations et violences que vivent les lesbiennes car dans cette même période elle accompagne une jeune lesbienne qui a vécu un viol correctif parce que lesbienne et deux couples en région qui vivent harcèlement, insultes et violences en raison de leur homosexualité....

Très vite repris par la sphère militante avec le « Rapport sur la lesbophobie » lancé en novembre 2003 par l’association SOS homophobie, le terme passe ensuite dans les médias qui, en 2010, couvrent pour la première fois assez largement les procès de Segré et Epinay sous Sénart, deux cas patents de lesbophobie.

Dès lors le terme gagne le grand public.

Interrogées, les lesbiennes apprécient ce mot parce qu’il identifie les réalités auxquelles elles sont confrontées et les libère du recours au terme homophobie qui noie leur existence dans un universalisme stérile. Au forum social européen de 2004, les italiennes, les allemandes ont accueilli le concept avec enthousiasme, parce que disent elles, « il nous parle de ce que nous vivons ».

Le concept de lesbophobie défini par la CLF en 1999 a été revu en 2010 :


LA LESBOPHOBIE – AVERSION ou MEPRIS À L’ÉGARD DES LESBIENNES – qui se manifestent par des comportements de rejet, de discriminations et de violence où se conjuguent homophobie et sexisme.

Ainsi, La lesbophobie se traduit par l’effacement des relations amoureuses entre les femmes. Cette forme de sexisme qui nie la sexualité féminine conduit à l’invisibilité des lesbiennes.

Quand elle est perçue, la sexualité entre femmes est souvent considérée comme secondaire, accessoire, futile car privée de la référence considérée comme incontournable au phallus. Elle est utilisée de manière réductrice et caricaturale dans la pornographie comme objet de fantasme et de voyeurisme à destination des hommes.

La lesbophobie se traduit aussi par la peur, la haine et la condamnation du lesbianisme et des lesbiennes parce qu’elles transgressent les rôles et brisent la structure des rapports d’appropriation et d’oppression des hommes sur les femmes.


DEPUIS LORS, LA CLF AGIT CONTRE LES VIOLENCES LESBOPHOBES ICI ET DANS LE MONDE.

Agir contre la violence et les crimes lesbophobes ici

Forte d’avoir fait émerger le concept de lesbophobie dès 1997 pour faire faire reconnaître la double discrimination des lesbiennes (parce que femmes et parce qu’elles échappent, en partie, à la domination masculine), la Coordination lesbienne continue à agir concrètement.

Grâce au fonds de solidarité constitué par l’une des ses membres, l’association CQFD fierté Lesbienne, elle participe au financement des frais de justice en prenant en charge une partie des honoraires d’avocates parce que, quand une lesbienne est en but à la lesbophobie, ce sont toutes les lesbiennes qui sont concernées.

Ces actions ont en place depuis 2005, mais citons ici les cas soutenus part la CLF les plus récents.

  • JUILLET 2009 Epinay sous Sénart : deux jeunes lesbiennes sont agressées physiquement après deux années de harcèlements quotidiens ;
  • En 2010 trois jeunes lesbiennes sont agressées physiquement par des groupes d’extrême droite lors de l’opération de Kiss-Inn ,organisée à l’origine sur le parvis de Notre Dame, mais tenue sur la place Saint Michel ;
  • La même année deux jeunes femmes sont agressées physiquement et verbalement à la sortie du métro à Montreuil ;
  • En 2011, une lesbienne est victime d’une tentative de meurtre de la part de sa famille ;
  • En 2012, un couple de lesbiennes est menacé dans le village où elles se sont installées dans le sud de la France ;
  • Et aujourd’hui, une jeune femme s’est vue écartée du poste promis suite à une campagne de dénigrement interne à l’entreprise.,( action menée en partenariat avec l’Autre Cercle).

Plusieurs enseignements ressortent de ces situations :

  • 1. Les jeunes lesbiennes prennent consciences, toujours plus nombreuses qu’on n’a pas le droit de les insulter, de les brutaliser, de les discriminer, ni de leur porter atteinte de quelque façon que ce soit et elles ont le courage d’agir. Et surprise, celles qui portent plainte ne sont pas toutes des militantes, non ce sont des lesbiennes tout simplement qui essaient d’exister et de construire au mieux leur vie.
  • 2. Dans les milieux de travail, comme le remarquait l’autre Cercle dans une intervention effectuée en 2012, la violence lesbophobe s’exerce au travers de blagues et rumeurs (80%), sous forme d’agressions verbales (15%) et sous forme d’agression physique (5 %). Mais à l’inverse des gays qui, dans ces circonstances obtiennent un soutien de la part de leurs collègues femmes, les lesbiennes ne reçoivent aucun appui, ni des gays, ni des hommes, ni des femmes de leur entourage professionnel !!
  • 3. La répression en matière de justice n’est pas la solution. En 2010, nous nous sommes portées partie civile dans une affaire d’injures et violences lesbophobes à l’encontre d’un couple de deux jeunes lesbiennes.

Constatant lors du procès, l’état d’incompréhension et de déréliction des adolescents accusés, nous en avons déduit que la répression n’était pas nécessairement la solution et avons proposé à la juge des enfants de mettre en place un module de sensibilisation à la lesbophobie et à l’homophobie construit spécifiquement pour les 2 jeunes incriminés dans cette affaire. La juge des enfants a accepté cette proposition, en lieu et place des travaux d’intérêt général qui sont généralement imposés comme peine aux mineurs mais souvent sans réelle efficacité pédagogique.

Notre ambition est que cette expérience innovante puisse être généralisée mais cette mesure ne remplacera jamais l’effort de prévention et de sensibilisation à initier très tôt en milieu scolaire à la fois contre l’homophobie et la lesbophobie.

4. Enfin, nous somme fermement opposées à toute stigmatisation de population sachant que la violence lesbophobe se rencontre dans toutes les classes de la société, seules ses manifestations diffèrent.

Fortement impliquée dans le mouvement féministe, la Coordination Lesbienne y milite pour que les violences faites aux lesbiennes soient prises en comptes parmi les violences faites aux femmes.

Agir contre les violences et les crimes lesbophobes dans le monde

Des associations de la Coordinations lesbienne, La Lune à Strasbourg, Les voies d’Elles à Grenoble et le collectif Les lesbiennes dépassent les frontières à Paris, aujourd’hui organisées en réseau, interviennent de plus en plus pour soutenir les demandeuses d’asile lesbiennes venues de tous les pays : Ouganda, Sénégal, Mauritanie, mais aussi Georgie, Russie, Arménie… En fuite, pour sauver leur vie face aux persécutions, ces lesbiennes qui arrivent jusqu’à nous ont subi des actes d’une extrême violence (viol correctif, tentative de meurtre, mariage forcé, mutilation, coups, insultes, mise à la rue sans ressource …). L’asile devient leur seule issue pour se reconstruire et vivre enfin, autonomes et égales à toute autre personne.

Les associations de la Coordination lesbienne sont à leur côté dans la période éprouvante de demande du statut de réfugiée politique. Logement, vêtement, de quoi se nourrir, soins médicaux et psychologiques le cas échéant, transport, téléphone, autant de besoins de base à assurer prioritairement. Et en parallèle vient la constitution de leur dossier, l’accompagnement dans leurs démarches en relation avec les organisations spécialisées telles Ardhis qui traitent aussi ces sujets, mais aussi la sociabilisation et la rencontre avec le monde lesbien, autant d’aspects où les associations lesbiennes investissent leur énergie. Un fonds d’intervention mutualisé et alimenté par les dons individuels a été très tôt mis en place pour faire face à ces besoins.

Concrètement le collectif « Les lesbiennes dépassent les frontières », basé à Paris, défini son mode de fonctionnement de la façon suivante : « Avec chaque lesbienne venue d’ailleurs, se constitue un qui fonctionne comme un groupe de projet où s’associent exclusivement des lesbiennes. Il est constitué pour une durée limitée et prend fin dés que la réfugiée dont il s’occupe s’estime suffisamment autonome. »

La CLF entretient des relations de proximité et de soutien avec les associations lesbiennes des pays où le lesbianisme et l’homosexualité sont réprimés : Au Cameroun, il s’agit de soutenir et d’appuyer l’avocate Alice Ngom. en Ouganda il existe une organisation conduite par une lesbienne, les mouvements évangélistes venus des États Unis y sont le fer de lance de l’action contre les homosexuels et les lesbiennes. En Côte d’ivoire, dans un contexte difficile d’après guerre, les lesbiennes y sont en but au chantage et à la violence. Malheureusement, plus la répression est forte et plus les organisations sont rares ou dans la totale clandestinité. Dans la construction de ces contacts, nous apprécions de travailler main dans la main avec nos amies des Locs (Lesbiennes of color).

Le thème de la lesbophie sera aussi l’une des questions centrales abordée lors de la rencontre des organisations lesbiennes en Euro-méditerrannée organisée par le CEL, la CLF et les Locs dans le cadre de l’EuroLESBOpride, les 18 et 19 juillets 2013 à Marseille.

Notre expérience en ce domaine conforte le constat que les discriminations envers les gays et les discriminations envers les lesbiennes n’opèrent pas selon les mêmes processus.

Dans la plupart des pays au monde le schéma est le même à des degrés certes différents. Les garçons dès 10 ans ont vocation à occuper l’espace extérieur. Entre paires, l’émulation est forte pour se conformer au modèle « viril » de la société hétérosexiste. La sortie du modèle est réprimée par la violence, autre expression de la virilité.

Quant aux filles, disposant de moins d’autonomie pour construire leur personnalité hors de la sphère familiale, les tentatives de résistance au formatage social y sont très tôt réprimées : enfermement, reprise en main, mariage forcé, viol punitif pour une conformation radicale au modèle sexuel dominant. Dans l’espace social, elles sont doublement discriminées, elles le sont à la fois comme femmes dans un monde régi par les hommes, et comme homosexuelles dans une société hétérocentrée.

Pus que jamais, œuvrer pour la dépénalisation universelle du lesbianisme et de l’homosexualité est une question de vie ou de mort pour des milliers de lesbiennes dans le monde.

Coordonnées des organisations lesbiennes qui agissent contre la lesbophobie

Les lesbiennes dépassent les frontières lesbiennesdepassentfrontieres@gmail.com

La Lune (Strasbourg)  : lalune67@gmail.com

Les Voies d’Elles (Grenoble) : lesvoiesdelles@hotmail.com

Les locs (Lesbiennes of color) (Paris)  : espace.locs@gmail.com

CQFD fierté Lesbienne (Paris)  : cqfd.info@club-internet.fr

Bagdam (Toulouse)  : bagdam@bagdam.org

Cel (Marseille)
 : celmrs@gmail.com

ARCL (Paris)  :archives.lesbiennes@gmail.com

Repaire de Jubilation : jubilaction@orange.fr

La CLF 5 mars 2013


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