Histoire d’un concept : la Lesbophobie
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Le concept de lesbophobie naît des travaux de la CLF (Coordination lesbienne en France) à la fin des années 90. Pendant 10 ans elle va travailler à faire connaître ce concept mais surtout à agir au plan législatif et sur le terrain pour combattre ce type de discrimination spécifique aux lesbiennes.
Aujourd’hui, cette notion rencontre toujours des résistances, mais gagne cependant du terrain puisqu’elle a été choisie comme thème central pour la journée mondiale IDAHO en 2008 et qu’elle est prise en compte par SOS homophobie au travers de son enquête sur la lesbophobie lancée en 2003 et publiée en 2008.
Dans ce contexte favorable, la Coordination lesbienne en France réaffirme sa volonté d’agir pour l’introduction du terme lesbophobie au dictionnaire officiel de la langue française.
Apparition du terme en 1998
Le terme « lesbophobie » est apparu officiellement pour la première fois en 1998 dans le « Rapport détaillé sur la Lesbophobie dans le monde », réalisé, pour la CLF (Coordination lesbienne en France), par l’Association « Femmes entre elles » de Rennes et présenté à Montréal, à l’occasion de la préparation de la Marche Mondiale des Femmes contre les violences et la pauvreté.
Définition du concept
En 1999, s’inspirant du rapport de l’association Femmes entre elles, La CLF définit et met un nom sur ce qui était invisible et occulté jusque là : « la lesbophobie », aversion à l’égard des lesbiennes qui les discrimine à la fois en tant qu’individues appartenant au groupe social femmes et en raison de leur homosexualité.
Ce sont là les conclusions du rapport initial de la commission Lesbophobie, constituée à cette époque au sein de la CLF et animée principalement par Raymonde Gérard et Jocelyne Fildard. Ce rapport est diffusé à toutes les associations lesbiennes et publié sur le site Internet de la CLF.
Le terme se vulgarise rapidement parce qu’il décrit des situations vécues.
Le concept est progressivement relayé en région où des débats s’organisent, animés par des représentantes de la CLF, à Dijon, à Reims sur invitation de la Fédération intercentre LGBT, à Grenoble dans le cadre des phob-ô-folies …
En Février 2000, CQFD Fierté Lesbienne, l’une des associations membres de la CLF pose un acte concret face aux situations décrites dans ce dossier et prend la décision de s’investir financièrement dans le combat contre la lesbophobie en prenant en charge les honoraires d’avocat et autres frais de justice exposés à l’occasion d’actions judiciaires engagées pour soutenir des lesbiennes victimes de lesbophobie.
Les 11 et 12 juin 2000, à Port Leucate, l’Assemblée générale de la Coordination Lesbienne en France approuve à l’unanimité les travaux réalisés par la commission lesbophobie.
Le 24 juin 2000, au Forum des initiatives lesbiennes et féministes organisé salle Wagram à Paris par CQFD Fierté lesbienne (devenue CQFD Lesbiennes Féministes en 2018) , à l’occasion de la Marche des fiertés lesbiennes gay, bi et trans, se tient le grand débat sur la lesbophobie intitulé : « Quelles stratégies adopter en cas d’atteinte lesbophobe dans notre vie privée ou publique ? »
Ce débat fait salle comble. Y interviennent des actrices du monde associatif impliquées dans la lutte contre les discriminations :
- La commission de travail sur la lesbophobie de la CLF, à l’origine du concept, reprend la définition de la lesbophobie, en analyse la spécificité et expose les revendications de la CLF sur ce thème : formulation d’amendements pour que la loi sanctionne explicitement les violences et viols punitifs à l’encontre des lesbiennes, prise en compte des lesbiennes dans les mesures préventives concernant les discriminations, exigence de parité dans la composition de l’Autorité administrative chargée de vérifier l’application des dispositions préventives et répressives concernant la lesbophobie, le sexisme et l’homophobie.
- Caroline Fourest de Prochoix présente la lesbophobie comme l’une des composantes de l’homophobie, placée sur le même plan que la gayphobie, et la transphobie, et non comme une discrimination à part entière ; (position avec laquelle la CLF est en désaccord puisque pour elle, la lesbophobie est une discrimination à part entière qui ne peut être amalgamée avec l’homophobie ).
- Florence Monreynaud des Chiennes de Garde recommande de veiller à faire intégrer les discriminations spécifiques faites aux lesbiennes dans toute demande d’adaptation des textes législatifs ;
- Pour la représentante de la Commission Homosexualité et Droits humains d’Amnesty International « les discriminations sont à la fois une manifestation du rapport de force inégal qui existe et un instrument permettant de perpétuer la domination » ;
- Christine Le Douaré, alors présidente de SOS homophobie, analyse les données qui concernent spécifiquement les lesbiennes dans l’enquête annuelle sur l’homophobie réalisée par son organisation.
Fin de l’année 2000, la CLF (Coordination lesbienne en France) finalise ses travaux sur la lesbophobie avec l’élaboration d’un projet de loi contre les discriminations lesbophobes.
En l’an 2000 toujours, à Bruxelles, la lesbophobie est prise en compte dans la plateforme européenne de la Marche Mondiale des femmes contre les violences et la pauvreté.
Le 23 juin 2001, CQFD organise un nouveau débat à Wagram dans le cadre du forum des initiatives lesbiennes et féministes de l’année, sur le thème « Comment lutter contre les discriminations ». Y seront présentées :
– Les actions de soutien contre la lesbophobie prises en charge par CQFD/ Fierté Lesbienne Paris ;
– La proposition de loi contre la lesbophobie de la Coordination Lesbienne en France par Raymonde Gérard.
En 2003, la campagne de sensibilisation des partis politiques, orchestrée par la CLF,, porte ses fruits puisqu’une première proposition de loi, issue des travaux de la CLF, est déposée par les verts, signée par Martine Billard, Yves Cochet et Noël Mamère le 26 mars 2003.
Une deuxième proposition est déposée le 21 juillet 2004 par le groupe des député-e-s communistes et républicains, emmené par Marie Georges Buffet.
Ces propositions ne seront pas adoptées, mais en partie prises en compte avec la loi portant création de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité enregistrée le 1er décembre 2004, loi qui ne nomme pourtant ni la lesbophobie, ni la transphobie, et la loi du 30 décembre 2004 qui renforce la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe. Les autres dispositions législatives préconisées par la CLF seront reprises, à son instigation, dans la proposition de Loi cadre sur les violences faits aux femmes, rédigée par le CNDF (Collectif National pour le Droit des Femmes) et déposée le 20 décembre 2007 par le Groupe de la Gauche Démocratique et Républicaine.
En Novembre 2003, SOS homophobie qui a créé en son sein une commission lesbophobie lance une grande enquête sur la lesbophobie. Elle s’étendra de novembre 2003 à janvier 2004, et recueillera près de 1800 réponses. Cette étude sera complétée chaque année pour une publication finale et officielle le 16 Mai 2008 dans le cadre de la journée IDAHO. Les éléments de cette enquête seront repris le lendemain même par le journal Libération sous la plume de Marie Joëlle Gros.
En 2003, paraît le Dictionnaire de l’homophobie, sous la direction de Louis-Georges Tin. Y figure une entrée « Lesbophobie » rédigée par Raymonde Gérard.
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En 2004, à Florence, au Forum Social Européen, la lesbophobie est mise en avant par Raymonde Gérard et Jocelyne Fildard à l’occasion de deux interventions, l’une concernant la Marche Mondiale des Femmes, l’autre le débat sur les droits des lesbiennes et des gays.
En 2004 est annoncée la création de la journée IDAHO, la CLF demande aux organisateurs d’intégrer la lesbophobie dans la dénomination de la journée pour que les discriminations vécues par les lesbiennes soient effectivement prises en compte, hélas sans succès.
Le 17 mai 2008, la journée IDAHO prend pour thème la lesbophobie.
Le 17 mai 2008, reçues avec d’autres associations LGBT par Rama Yade, secrétaire d’état aux affaires étrangères et aux droits humains, la CLF demande à ce que la journée mondiale contre l’homophobie soit prise en compte, sous un vocable plus large, par le gouvernement français comme étant la journée mondiale contre la lesbophobie, l’homophobie et la transphobie. Une demande identique a été faite ce même jour par le représentant du PCF présent à cette réunion.
Fin mai 2008, constatant combien sont encore fortes les réticences à la reconnaissance de la lesbophobie comme catégorie à part entière des discriminations - témoin cette remarque du président d’une association LGBT qui consent tout au plus à considérer la lesbophobie comme une sous-catégorie de l’homophobie - la CLF estime qu’il faut encore franchir une étape, celle de faire reconnaître officiellement la lesbophobie, d’en faire prendre en compte les spécificités en faisant entrer le mot au dictionnaire officiel de la langue française, au même titre et sur le même plan que le terme homophobie.
2009 – 2010 : la CLF se porte partie civile dans une affaire de lesbophobie : C. et P, agressées et injuriées au pied de leur immeuble par un groupe d’adolescents qui les harcelaient régulièrement.