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vendredi 2 mars 2012
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WARRIORS GUERRIERES - Présentation

Cette publication est spéciale à un triple titre.

La première spécificité de cette publication tient au fait que la coordination et la conception en sont assurées par le Groupe du 6 novembre, c’est-à-dire à un collectif de lesbiennes dont l’histoire est liée à l’esclavagisme, les colonisations et l’impérialisme, celles qui sont désignées dans les pays anglo-saxons sous le générique de "lesbians of color".

La seconde tient au choix fait par ce collectif de solliciter uniquement des contributions, sous toutes formes, des lesbiennes comme définies ci-dessus. Cette publication spéciale est exceptionnelle, dans un contexte français, puisque historiquement, ce sera la première fois que nous, lesbiennes des migrations, des colonisations, descendantes de l’esclavagisme, disposons d’un espace propre d’expressions.

Que cette publication soit historique par rapport au "monde lesbien" français est à la fois interrogeant et significatif.

Interrogeant sur la place qui nous est faite (passivement et activement) dans le monde lesbien ... et significatif de ces processus d’invisibilisation dans lesquels nos expressions, nos paroles, nos pratiques, nos vécus, nos cultures ... sont pris.

Publication exceptionnelle enfin puisqu’elle est le fruit d’une collaboration avortée avec le collectif de lesbiennes radicales de la revue franco-québécoise AHLA [1], qui après nous avoir offert d’être les éditrices d’un numéro spécial, a préféré ne pas publier ce numéro sur lequel nous avions travaillé intensément pendant 9 mois.

Par cette publication spéciale, nous entendons donner visibilité et lisibilité à nos voi(es)x d’expression, de création, d’analyse et de réflexion. Pour rompre avec les modèles figeants et figés, blancho-occidento centrés de surcroît, nous avons eu le souci d’horizons élargis, dans les genres, les productions, les sources privilégiant l’hétérogénéité.

Visibilisation de texte frappé d’interdit ...

Le numéro s’ouvre sur un texte objet précisément de la mise sous silence par des média lesbiens français qui entendent conserver leur monopole de diffusion des informations. Il s’agit d’une lettre ouverte rejetée par Lesbia Magazine.

Nous avons fait choix de faire paraître ce texte pour que toutes les voix soient entendues.

Visibilisation de nos productions et créations intellectuelles, artistiques ...

Ce numéro consacre beaucoup aux questions de race, classe, genre, sexe. Cependant, pour battre en brèche les constructions limitées et limitantes dont nous pouvons faire l’objet, parce que nous sommes sujets, auteurs, créatrices, inventives pour subvertir les rapports de domination, les situations d’oppression, nous avons également choisi de laisser l’espace le plus large à nos modalités propres et multiples d’expressions (peinture, photos, poésie, nouvelles, dramatique, chanson...).

Le cadre de cette publication et de ce média nous ont limitées... mais GAGEONS qu’elle ouvrira les horizons des unes et des autres et marquera quelque tournant, quelque transformation dans le "monde lesbien" décidément trop étriqué. Terminons par cette perspective stimulante ouverte par Madeleine Lim [2] :

"It is my two hands ... (. . .)
... it is my two hands (. . .)
that will start the revolution"
’.

Le Groupe du 6 novembre, Notre Standing Up ! N Doumia

Caractère exceptionnel de ce groupe en France

Il est à souligner d’abord le caractère inédit d’un tel groupe en France.

Certes, dans cette tentative, nous avons été précédées. Certaines d’entre nous portent mémoire de ces essais dans un passé lointain et proche (l’expérience des Négresses Shapphiques, pour le plus récent d’entre eux).

Pour analyser les raisons des échecs et de l’inexistence de tels groupes, nous pouvons mettre en avant le spécifique du fonctionnement français, à savoir la tradition universaliste, versus des pratiques communautaristes développées dans les pays anglo-saxons. Notons qu’en Allemagne, certes sous l’impulsion d’une Audre Lorde, un groupe de lesbiennes noires a existé.

Pour autant, cet élément n’explique pas à lui seul cette absence. Il nous semble pouvoir repérer au moins deux séries de difficultés.

D’une part, des obstacles en soi, à rapporter à des socialisations dans des contextes négateurs des différences, l’intériorisation de l’invisibilisation, des minorisations, l’assimilation négatrice de soi ... ont pu générer ces difficultés de mise en place. Dans le cadre de cet article, nous ne nous arrêterons pas à cet aspect, sur lequel entre nous nous réfléchissons et travaillons.

D’autre part, et là nous paraît résider le nodal, les obstacles sont extérieurs.

Ils sont liés, comme cela a été évoqué précédemment, à des traditions, à l’universalisme donc pour la France qui tourne le dos aux différentialismes et à toute forme de particularismes. Il en résulte une tendance, un processus de confusion, qui conduit à la négation des différences, à la normalisation par sumormativité.

Les rapports sociaux de race, classe, langue, culture, âge ... ne sont pas solubles dans les rapports lesbiens

Les obstacles sont surtout développés par le milieu lesbien lui-même franco¬français qui priorise le lesbianisme, le combat contre la lesbophobie sur tout le reste (d’ailleurs ce reste est-il seulement aperçu ?), d’où qu’il est constamment rappelé, martelé qu’il ne faut pas se fourvoyer, se tromper d’ennemiEs.

L’hétérosocialité, le patriarcat, l’hétérosexisme sont objet/visée/s de combats que nous partageons largement.

Toutefois, surfocaliser sur ces seules luttes rend passablement myopes et aveugles aux autres formes d’oppression et de domination qui demeurent, avatars (dans une vision optimiste), noyaux durs (dans une vision plus juste). Nulle interrogation (ou si peu que rien), nulle trace de questions ou de réflexions (au sens optique du terme) pour ces lesbiennes par rapport à ces multioppressions, comme si les lesbiennes, parce que lesbiennes, étaient prémunies, protégées d’être elles-mêmes oppresseurs.

"Les barrières entre elles et nous sont des barrières historique et politique, elles ne peuvent disparaître par le fait que ces Waspiennes de France prétendent aimer les femmes. Qu’elles aiment les femmes, les abeilles ou les coquelicots ne les rapprochera en aucun cas des lesbiennes des migrations, issues des classes dominées. [3]"

La situation en France pour nous était/est (le processus de conscientisation, de transformation sera long ...) donc déclinable ainsi :

- non seulement une non-interrogation de soi sur soi, sur les rapports de domination, générés par la classe sociale, la race, le legs esclavagiste, colonialiste, le rôle joué par sa société, sa culture, dans l’écrasement, l’exploitation économique, culturelle, humaine, passée et présente. Or, des responsabilités historiques pèsent sur touTEs, hier comme aujourd’hui ;

- mais aussi, l’obligation, dans laquelle nous sommes comme placées, pour ne pas faire désordre par rapport aux combats des lesbiennes en France de choisir, de faire l’impasse sur ce reste qui nous constitue et qui est constitutif de nos existences, de nos vies quotidiennes. Obligation qui nous empêche de les questionner sur leurs positions d’oppresseurs.

Or, un tel choix signifie négation de parties de nous-mêmes et conforte les unes et les autres dans leurs positions de dominance. Prenons quelques exemples (et ils ne manquent pas), iIlustratifs de ces reproductions oppressions (racisme, c1assisme ...) actées par des lesbOccidentées [4].

Tout homme est violeur en puissance. Il est l’ennemi ... comme violeur.

Nous devons combattre ensemble contre les viols, violences dont les lesbiennes/femmes font l’objet. Alors, pourquoi souvent, trop souvent lorsqu’il est question de viol, préciser qu’il s’agit d’un Marocain ou d’un Africain ? [5].

Un violeur est un violeur, qu’il soit Marocain, Africain ou Franco-français. Une telle mention est significative, teintée de racisme non réfléchi. Sans forcer l’analyse, nous ne sommes pas loin de propositions selon lesquelles les Africains, les Maghrébins ... seraient biologiquement, anatomiquement plus violeurs - ce qui n’est pas sans évoquer les expériences faites par "d’illustrissimes" pour asseoir scientifiquement des constructions raciales.

Or si nous reprenons la prémisse majeure : Tout homme est violeur potentiel. Qu’il soit Africain, Marocain ou Marsien n’ajoute rien. Il est l’ennemi ... comme violeur.

Notre combat doit être tourné contre les viols, violeurs et les violences qu’ils perpètrent sur les femmes et lesbiennes.

Pour poursuivre avec cette maxime, en cohérence avec cette lutte, lorsqu’une femme, Africaine, sans-papiers, handicapée de surcroît, est violée, violentée par des policiers, blancs en l’occurrence, ces lesbiennes devraient se mobiliser. Or, cet événement, qui eut lieu en France en août 1999, ne fut guère mobilisateur pour les femmes et lesbiennes blanches. De surcroît, il fut marqué par le refus de participer à la mobilisation mixte initiée par les communautés noires africaines de France en automne 1999, puisqu’elle les aurait placées devant la contradiction d’être aux côtés de violeurs potentiels (... voire, si nous reprenons l’implicite précédent, plus que les autres ...).

Si l’argument, la position tient, faute d’actions propres engagées, le résultat en est une invisibilisation des viols et violences racistes dont les femmes et les lesbiennes des migrations peuvent faire et font (plus que d’autres d’ailleurs) l’objet.

Ainsi, de manière insidieuse et subtile, des hiérarchisations opèrent, ce qui ne devrait pas manquer d’interroger.

Notre refus de nous (laisser) diviser, de nous (laisser) scinder ...

Comme lesbiennes, nous entendons travailler à lutter contre les oppressions et discriminations dont les lesbiennes en France, dans nos pays d’attache, ailleurs, partout, font l’objet.

Nous sommes d’autant plus sensibles à ces luttes, ces combats, que beaucoup d’entre nous ont été poussées à l’exil, à la migration, parties en fuite en raison même de leur lesbianisme qui les mettait en danger, qui les menaçait, elle, leur/s amie/s ou/et leur/s proche/s [6].

Pour les autres, issues des migrations de première génération, des diasporas noires, africaines, et autres, dans nos quotidiens, nos vies, par rapport à nos familles, nos communautés, nos cultures, nos religions, nous pouvons être en danger.

Par défaut d’analyse et ignorance des contextes autres qu’européens ou occidentaux [7], le modèle dominant, le combat demeure celui du coming out, comme la fin en soi, à l’aune de laquelle les autres postures sont appréhendées comme lâches, traîtres, etc. Pour toutes les luttes de libération, les Occidentaux se posent comme les référents universels. Nous retrouvons pour les lesbiennes les travers déjà dénoncés par les féministes non issues des pays occidentaux, soucieuses de sortir des schémas, des constructions produites par d’autres, à savoir cet hégémonisme qui ne laisse pas place à du propre, et qui trahit le rapport de domination, d’infériorisation, toujours cette posture de se penser porteurs de LA civilisation.

Se mettent assurément en danger celles qui adoptent des tenues, des mises, des métiers, des pratiques langagières, sportives, ludiques, etc. qui dérogent aux modèles traditionnels des femmes promus par les sociétés hétérosexistes, hétéropatriracales.

Pour autant la différence, qui n’est pas "petite" (sic), mineure, c’est que d’un côté il est possible de se jouer [8] des genres socialement construits (avec des limites) mais, qu’en revanche, demeurent des éléments phénotypiques directement perceptibles, même si par ailleurs sur le plan théorique la remise en question de la notion de "race" est et a été effectuée.

Or, a fortiori à une époque (et encore il faudrait procéder à un travail d’exploration plus fin, plus continu pour voir ce qu’il en est de la pertinence d’un tel constat) où le racisme s’affiche de plus en plus dans les espaces publics et politiques, et s’assume, il est assuré que cette gangrène touche les lesbiennes comme les autres. Cette dimension, par tout ce à quoi elle renvoie et tout ce qu’elle entraîne, ne peut sans dommage pour nous être minorée, oubliée, occultée au profit du seul vrai combat qui serait celui du lesbianisme, dont nous sommes partie prenante.

Interpeller sur toutes les oppressions portées par les lesbOccidentées, dans les pratiques et les théories

En dépit de cette lutte contre l’oppression patriarcale, l’hétérosocialité ..., le projet lesbien, féministe blanc ne fait pas transcender le racisme, l’ethnocentrisme, les privilèges que les sociétés impérialistes, dominantes mondialement, assurent aux blancHEs.

Les pratiques et théorisations féministes, lesbiennes, perpétuent le racisme en des voies évidentes et subtiles :

- par des conduites racistes, ethmocentrées ou condescendantes (ce qui est aussi du racisme ...). Les textes des lesbiennes/féministes radicales ne font pas exception, leur référent implicite demeure la lesbienne blanche, même si certaines ont procédé à des re-lectures critiques de leurs analyses pour tenter de sortir de ce point de vue ethnocentré hégémonique trop longtemps non interrogé ;

- par leur refus de prendre en considération le fait qu’hommes et femmes des Quatre continents sont opprimés pour des questions de race et d’ethnicité et que par conséquent les femmes et les lesbiennes des Quatre Continents se sentent solidaires et s’organisent avec eux dans leurs communautés ;l

- par la valorisation de la culture, de priorités, et de styles de féminisme, de lesbianisme construits dans l’histoire et la société occidentales, par exemple en mettant l’accent sur les figures et les symboles européens et définissant la musique et la culture lesbiennes au travers de formes de la culture blanche. Ainsi, par exemple en France, entreprise louable, un groupe de lesbiennes, particulièrement enragées, a établi une liste des "incontournables" de la littérature lesbienne ; l or sur l’ensemble des titres aucune référence à un quelconque auteur des Quatre Continents... Non seulement cette absence est interrogeante, mais surtout leur "culture politique" de résistance peut être questionnée si, y compris, une figure aussi connue qu’Audre Lorde n’apparaît pas. Absence, sur fond d’ignorance ... ? Nous avons peine à donner crédit à une telle hypothèse tant aujourd’hui, à la faveur des nouvelles technologies de l’information, du développement des Cultural Studies, des Gay and Lesbian Studies et des Queer Studies, est mieux assurée la diffusion de textes canoniques, de références. Invisibilisation plutôt et assurément des auteurs et théoriciennes des Quatre Continents !

- parce que les généralisations universelles à propos du patriarcat ou des femmes dénient les différences significatives entre femmes basées sur la race, l’immigration, la classe ou la nationalité ;

- parce que les théories lesbiennes féministes ont privilégié la sexualité et le genre sur la race en examinant l’expérience et l’oppression des femmes.

Dé-construire race, classe, genre, culture... toutes catégories construites historiquement et socialement... pour bâtir nos propres théorisations

Quant à nous ici, nous souhaitons surtout souligner que ce soit en contexte fiançais ou ailleurs l’IMPORTANCE de l’analyse historique du rôle joué par les occidentaux dans les différentes actions et tentatives d’assujettissement d’autres peuples (déportation des Afri-icainEs dans les périodes d’esclavagisme, colonisation, appel à migration de main-d’œuvre, etc.).

Nous pouvons encore prendre un exemple pour illustrer notre propos.

Une lesbOccidentée, issue des classes bourgeoises, par son insertion professionnelle actuelle et par son ascendance, oppose à une autre, issue des colonisations françaises, qu’elle n’est pas responsable si cette dernière n’a pas une position équivalente.

Quelle saisie des processus en jeu pour cette héritière occidentale de milieu bourgeois dotée par sa famille des capitaux symboliques, culturels et monnaies sonnantes en poche susceptibles de lui assurer la continuité des places dans la société ? C’est scandaleusement oublier qu’elle tient un tel discours face à celle qui socialement, historiquement aura été privée de ces capitaux, en résultat des processus de dépossession par la classe dominante colonisatrice europ/occidentale. Ses parents considérés comme des indigènes par les colonisateurs auront été bien tenus écartés d’une quelconque formation scolaire, d’un quelconque accès à des savoirs reconnus par les Occidentaux, etc. Ses parents condamnés à migrer, faire main-d’œuvre pour la France, pour des salaires de misère, dans des conditions aberrantes [9]...

Sans tomber dans des sociologismes discutables, des raccourcis, nous pourrions poursuivre cet "inventaire" au niveau culturel, langagier... pour souligner le caractère construit de cette situation. Les distances, les barrières ne sont pas des données de naissance ou de nature, mais des constructions sociales historiquement conditionnées.

Ces différentes formes d’oppression, de race, de classe, de culture, de langue, de genre ... sont à l’œuvre, nous y sommes confrontées sans hiérarchie, d’où l’impossibilité sinon en renonçant à partie de nous-mêmes, en nous reniant, de prioriser un plan sur un autre.

Face aux défauts criants d’interrogation, d’analyse des lesbOccidentées, il relève de l’impératif pour nous de nous organiser entre nous pour mettre en place actions et stratégies de luttes, de combats, de résistances à toutes ces oppressions.

Nous organiser dans la triple non-mixité : un impératif

Comme une forme de réponse à la triple oppression (minimalement) à combattre, à affronter dans nos actions et réflexions, ce principe s’entend comme :

- une non-mixité par rapport aux hommes,
- une non-mixité par rapport aux féministes occidentales,
- et, enfin, la non-mixité par rapport aux lesbOccidentées.

En cohérence avec ce que nous avons posé précédemment, précisons que cette triple non-mixité ne SIGNIFIE nullement l’absence de rapports, la co-participation à des actions, réflexions, créations avec ces trois groupes.

Il relève presque du truisme nous concernant que nous ne tournons pas le dos aux combats et luttes de nos communautés d’origine, communautés au sens large et mixte. Nous serons toujours partie prenante des luttes de libération de nos peuples, de peuples opprimés.

De la même façon, nous sommes pleinement dans les luttes des femmes, celles de nos communautés d’origine, de nos Communautés d’accueil, de reconnaissance.

Nous sommes également sur le front pour les combats des lesbiennes. Simplement, nous souhaitons ne pas nous faire dicter par d’autres des ordres de priorisation, être piégées par les discours militants, politiques qui tendent et tentent de nous culpabiliser, de pointer notre traîtrise. [10]

Ajoutons que pour nous ce principe de triple non-mixité ne signifie nullement, comme certaines voudraient le faire croire, enfermement communautariste, repli sur le soi, le même, par rejet du, des différen(c)tes. Le paradoxe peut-être de ce principe est qu’il est porté par le souci d’OUVERTURE ... par rapport à nos partenaires de luttes, par rapport aux frontières, aux communautés ...

Ouverture aussi ... car nous refusons l’uniforme que nous imposerait le monde lesbOccidenté (blanc de classe moyenne ...), uniforme étriqué/étriquant qui enferme, encadre la pensée, les analyses, les actions ou créations.

Nos directions, nos axes

1 - dans le champ de l’accès aux connaissances et à la production de savoirs :

Notre priorité est de produire nos analyses pour cesser d’être objets de/s recherches, des discours. Analyses qui de surcroît en passent par nos propres outils (concepts, notions, méthodologies) et non des outils importés, adéquats peut-être pour des contextes occidentaux, mais inappropriés pour d’autres. Dans ce cadre, nous travaillons à faire connaître les féministes, théoriciennes, chercheuses des Quatre Continents, diffuser leurs analyses : ce que nous avons cherché à faire dans le cadre limité de cette publication.

2 - dans le champ culturel et artistique :

Il s’agit pour nous de faire connaître, diffuser et aider au développement de nos productions culturelles et artistiques, triplement invisibilisées.

3 - et, enfin, dans l’AGIR :

Ce dernier axe est canonique.

Être visibles, c’est intervenir dans l’espace public, pas simplement garder, appeler la vigilance de touTEs, pas seulement aboyer, mais aussi et surtout mordre.

Cette intervention dans l’espace public et politique se situe à différents niveaux :

- par la mise en place et l’activation de réseaux (national et international), pour la définition et réalisation de stratégies communes ;

- par la constitution de réseaux de solidarité entre nous, lesbiennes et femmes des Quatre Continents, ici et là-bas.

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[1Amazones d’Hier, Lesbiennes d’Aujourd’hui

[2Nous reprenons partie des fragments poétiques de Madeleine Lim, présents en leur entier dans cette publication.

[3Kaddour, H., "La continuité de la vision coloniale dans les pensée et analyse de lesbiennes françaises", Guerrières/Warriors., 2001, p. 34.

[4Nous avons fait choix de ce terme inventé par nous, pour rompre avec cette chaîne de silence dans laquelle nous étions prises ... rompre avec le langage colonisateur en jouant, en créant. Rompre avec les étiquettes mises pour nous définir, ou pire le défaut, l’absence de mots qui nous donneraient existence langagièrement. Ni muettes, ni silencieuses ... nous nous disons ... et nous disons les autres, à notre libre inventivité

[5Il est significatif de noter que ce constat se retrouve aux États-Unis comme l’atteste l’article d’Aishah Shahidah Simmons : les féministes, lesbiennes blanches dans leurs évocations des viols prennent systématiquement l’exemple d’hommes noirs

[6Nous sommes actuellement engagées pour nous-mêmes dans ce travail de collecte de différents parcours, matériaux que nous constituons pour avoir trace de nos histoires, et écrire notre histoire

[7Et, y compris pour cette sphère, l’analyse repose sur un modèle unique de référence, inadéquat pour les classes populaires, ouvrières, rurales par exemple. Serait à mener l’analyse comme l’a faite l’Américaine Dorothy Allison pour la partie occidentale, relativement aux classes populaires

[8Ce n’est pas le lieu ici de discuter de cette notion de genre, qui réclamerait une approche critique, en cohérence avec ce que nous avons énoncé précédemment.

[9Sur cet aspect, nous renvoyons au film de Benguigui, Yasmina, "Mémoires d’immigrés" ; qui, s’il pèche dans son entier par son manque d’envergure politique au niveau critique, au moins nous livre en première partie d’extraordinaires images d’archives, susceptibles d’enrichir/nourrir les mémoires oublieuses, et de secouer les consciences amnésiques.

[10Sur tous ces points, sur l’accusation de trahison, nous renvoyons également à A. S. Simmons qui recueille des témoignages de même teneur pour la communauté noire africaine a01éricaine, à la fois dans le contexte des luttes pour les droits civils et actuellement.