« DE LA REVENDICATION DU MARIAGE A CELLE DES DROITS PROPRES : LA RECHERCHE D’AUTONOMIE » première partie

samedi 26 janvier 2013
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Dans une société qui nous demande de nous comporter en individu responsable, le droit social (la sécurité sociale, le droit fiscal , nos impôts ...) nous considère selon notre statut : statut de couple, statut de veuve, statut de femme ou homme marié ou pacsé etc. Statut de cohabitant. Et pas comme une personne autonome !

Qu’est ce que les droits propres ?

J’ai cotisé personnellement pour ma retraite, pour la sécurité sociale. Je bénéficie donc de remboursements pour mes médicaments, je percevrai une retraite le moment venu. Le fait d’avoir cotisé me donne des droits, ce sont des droits propres.
 
Je n’ai jamais cotisé, mais je bénéfice de la Sécurité sociale par le bais de mon conjoint ou de ma conjointe, de mon compagnon ou de ma compagne avec laquelle je suis pacsée. Ce ne sont pas des droits propres, mais des droits dérivés. Ils dérivent des droits propres d’une autre personne. La preuve que ce ne sont pas mes droits, c’est que si je divorce ou me dé-pacse, je ne suis plus remboursée puisque je perds alors la couverture de Sécu. C’est mon statut conjugal qui me faisait bénéficier de cet avantage.

Or dans notre société où nous sommes appelées à nous comporter comme des citoyens et citoyennes autonomes, voilà qu’on ne nous considère plus du tout comme des individus mais par rapport à notre statut, à notre place dans une relation de couple.

C’est une situation très contradictoire.

Pourquoi avons-nous été amenées à nous poser toutes ces questions, des questions qui concernent à priori les hétéros, nous autres lesbiennes, et lesbiennes féministes qui avons opté depuis longtemps pour l’autonomie et cherché par tous moyens à nous défaire de toute dépendance.

C’est la question du mariage pour les homosexuels qui nous a conduites à nous poser toutes ces questions. Nous nous sentions très mal à l’ais face à cette revendication. Nous comprenions certes la démarche revendicative. Mais au travers de la revendication du mariage ou du pacs sont arrivées par exemple des revendications de pensions de reversion : « Je demande à bénéficier d’une retraite même si je n’ai pas cotisé, je le demande au nom de ma relation de coupe avec telle personne ». Cette situation nous a interpellées : Comment et pourquoi revendiquer des droits en fonction d’un statut ? Comment et pourquoi se mettre dans le carcan de la dépendance vis-à-vis d’une autre personne ? Est-ce une revendication vers plus d’égalité ?

Pour avancer plus avant dans la réflexion, il convient d’interroger la construction de notre droit et en particulier la façon dont ça se passe dans d’autres pays. (nous résumerons ici les travaux de Marie-Thérése Lanquetin).

http://www.caf.fr/sites/default/files/cnaf/Documents/Dser/PSF/073/RP73-M-TLanquetin%20et%20M-TLetablier.pdf

1. Modèle du soutien de famille masculin fort

Un homme : le « bread winner » investit la sphère professionnelle

Une femme : elle assure le bien être du mari. Elle est immergée dans la sphère domestique

Des enfants : sont élevés par la femme

Au Royaume-Uni, en Irlande et en Allemagne - pays où le modèle du soutien de famille masculin est fort -, les femmes sont traitées comme des épouses, dépendantes pour leurs droits sociaux.

Dans les régimes de protection sociale qui institutionnalisent un modèle de « soutien de famille masculin » fort et donc une séparation poussée des sphères domestiques et professionnelles, le soutien de l’État aux familles pour la garde de leurs enfants est faible.

Au Royaume-Uni, la conception dominante de la famille est celle d’un soutien de famille masculin fort, en partie sans doute parce que la collectivité n’est pas disposée à fournir l’effort financier suffisant pour offrir une large gamme de services collectifs en mesure de décharger les familles de la garde des jeunes enfants ou des soins aux ascendants dépendants. Lorsque l’effort collectif sur ces services ou sur des prestations monétaires n’est pas suffisant, la charge des soins aux enfants et aux personnes dépendantes incombe aux familles et donc essentiellement aux femmes. Les catégories sociales les plus aisées ont recours au marché et aux services marchands pour assurer la garde de leurs enfants, permettant aux femmes d’assumer leur volonté croissante de faire carrière. Les femmes les moins fortunées assurent elles-mêmes ces tâches.
 
De façon générale, dans ces systèmes familialisés les femmes renoncent à leur emploi lorsqu’elles deviennent mères, ou bien limitent leur engagement professionnel en réduisant le temps qu’’elles consacrent à l’emploi. Parfois, elles renoncent à la maternité pour conserver leur travail. La situation de dépendance est extrême.

Nous sommes en face d’une situation très inégalitaire où les droits dérivés fonctionnent, avec pour effet de mettre les femmes dans le rôle de la femme au foyer sauf celle qui ont les moyens de se faire remplacer par une domestique, donc majoritairement par une autre femme.

2. à l’opposé : Modèle du soutien de famille faible
 
Des personnes qui travaillent à égalité

Des travaux domestiques partagés et le soutien de l’état pour la prise en charge des personnes âgées et des enfants

Les pays nordiques, la Suède et le Danemark en particulier, entrent dans la catégorie des pays où le modèle du soutien de famille est faible, où les femmes sont qualifiées socialement et économiquement en fonction de leur situation de travailleuses, même si ce travail est souvent à temps partiel, et non en tant qu’elles sont épouses ou mères.

Dans ces pays où l’accès aux droits sociaux s’effectue sur une base individuelle une grande part de la charge des enfants et des personnes âgées dépendantes est dévolue à l’État et aux collectivités locales, en sorte de faciliter l’accès des femmes à l’emploi.

L’importance accordée au principe d’égalité entre hommes et femmes se traduit par une incitation au partage des responsabilités familiales entre conjoints. Les obligations familiales sont ainsi réduites, et jusqu’à un certain point, partagées au sein des ménages.

 
3. Modèle de soutien de famille modéré

 
La France et la Belgique, - pays classés dans la catégorie des pays où le modèle de soutien de famille est modéré - ont au contraire, promu le rôle des femmes en tant qu’elles sont à la fois épouses, mères et travailleuses, ainsi que l’exprime la politique de protection de l’État à leur égard depuis la fin du XIX° siècle.

Dans les régimes où le modèle du « mâle breadwinner » est atténué ou faible, l’action des pouvoirs publics pour aider les familles à assumer leurs obligations est plus substantielle. La place des femmes dans la famille et la société est très tributaire des relations plus générales entre l’Etat, la famille et le marché.

La revendication d’Egalité Homme Femmes a obligé les états à compenser les injustices faites aux femmes dues à cette vision familialiste de la société.

Partant de ce constat sur l’accès différencié des femmes aux droits sociaux, les propositions formulées pour parvenir à l’égalité des sexes divergent en Europe selon Marie Thérèse Lanquetin. Plusieurs voies sont discutées :

  • L’une consiste à promouvoir le « Gagnepain universel » en garantissant aux femmes le droit à l’emploi et un accès égal et réel au marché du travail,
  • L’autre consiste à pousser plus loin la « parité du soutien de famille » en reconnaissant la valeur du travail des femmes dans la sphère non marchande et à dissocier l’accès aux droits sociaux du travail rémunéré. Cette seconde stratégie appelle une reconnaissance du travail effectué au sein de la famille, voire un « social right to care ». Elle propose un traitement équivalent du travail domestique et du travail salarié. Plutôt que de mettre en oeuvre une égalité substantielle, elle fonde l’égalité sur un principe d’équivalence et, de la sorte, ne sort pas le travail de soins de la sphère familiale. Une sorte de piège à la dépendance !
  • Une troisième voie fonde l’accès aux droits sociaux sur les droits fondamentaux des personnes et par conséquent sur une forme plus achevée de la citoyenneté.

Jocelyne Fidard, Marie Josèphe Devillers co-présidentes de CQFD Fierté Lesbienne

Première partie d’une réflexion sur les droits propres.
INTERVENTION LORS DE L’ATELIER CITOYENNETE DU 28 SEPTEMBRE 2012 A LA MAISON DES FEMMES


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