Texte du Lobby européen des femmes : "Droits des lesbiennes et droits des femmes : droits humains. Les droits des lesbiennes dans l’Union Européenne"

mardi 4 septembre 2012
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Annexe 2 - Droits des lesbiennes et droits des femmes : droits humains. Les droits des lesbiennes dans l’Union Européenne

Texte du Lobby Européen des Femmes (L.E.F.)

...parce que l’on ne peut parler de liberté et de démocratie lorsque le choix et le style de vie de certaines personnes sont limités...

(Pétition adressée à la Nation mexicaine, 1995)

eyoung@colmex.mx

1. Le Contexte - Les droits des lesbiennes [1]appartiennent aux droits humains

Depuis la création du Lobby européen des femmes en 1990, les droits des lesbiennes n’ont jamais figuré ni parmi les priorités ni été inscrits à l’ordre du jour du LEF. Or, la discrimination à laquelle celles-ci sont confrontées est de plus en plus marquée. Ce document sert à inciter une discussion au sein du LEF en l’invitant à intégrer la question des droits des lesbiennes dans son travail, qui consiste à questionner les piliers fondamentaux de la société patriarcale. Les femmes ne constituent pas une catégorie unique, mais elles opèrent des choix de vie très différents. Le politique doit donc en tenir compte. Les droits des lesbiennes s’inscrivent donc parfaitement dans une politique féministe.

On estime à 10 % la proportion de lesbiennes dans la population féminine. Même au sein du mouvement féministe, les lesbiennes n’ont pas toujours été accueillies à bras ouverts. Le traitement des minorités est un test de principe pour les démocraties, mais également au sein des organisations pour le respect des droits humains et afin d’éviter “une complicité du silence qui rend possible les violations des droits humains dont souffrent les lesbiennes et les autres minorité sexuelles” (Rosenbloom).

Vu leur statut social de femme, les possibilités de créer un environnement accueillant sont restreintes. En effet, l’homosexuel (homme) est moins isolé que les lesbiennes qui dès lors, rencontrent des difficultés supplémentaires quant aux violations de leurs droits fondamentaux. Dans la plupart des cas, les homosexuels n’ont pas de famille à entretenir, et gagnent généralement mieux leur vie que les femmes : ils ont donc les moyens de créer leur propre culture. Les lesbiennes se heurtent à de nombreuses difficultés, qui les empêchent de jouir d’une indépendance financière ; en outre, bien souvent, elles doivent s’occuper des enfants. Dans l’ensemble, elles n’ont pas le même pouvoir financier et politique que les homosexuels.

Exclure les lesbiennes, délibérément ou non, du mouvement des femmes va à l’encontre de la pensée féministe. Un tel “oubli” peut être néfaste car il peut affaiblir la légitimité politique du mouvement des femmes. Le but de ce document est de poser un premier pas pour que le LEF puisse réfléchir à comment ses organisations membres pourraient intégrer les questions liées aux droits des lesbiennes et en même temps être ouvert aux lesbiennes, afin qu’elles puissent participer à part entière un lobby européen des femmes.

2. Une multitude de discriminations envers les lesbiennes

Les lesbiennes connaissent une double discrimination : celle liée à leur homosexualité et celle liée à leur statut de femme. Les multiples formes discriminatoires qui découlent de cette double discrimination sont décrites en détail dans la version intégrale de ce document. Ce résumé contient une liste non exhaustive des violations des droits des lesbiennes par rapport aux normes admises en matière des droits humains, notamment :

-  Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne  : les lesbiennes sont confrontées à un fléau immense de violence physique. Bon nombre d’entre elles sont battues, mais aussi violées pour les “guérir” de leur orientation sexuelle. D’autres ne trouvent la paix que dans le suicide.

-  La liberté face à la torture  : on peut sans hésiter qualifier de “torture” le traitement qu’infligent leurs familles aux lesbiennes. Il est rare que des minorités sexuelles soient activement protégées contre les crimes haineux. Les responsables d’actes de violence envers les lesbiennes sont rarement - voir pas du tout - poursuivis ; de leur côté, leurs victimes sont confrontées à des procès iniques, où sont reproduits les stéréotypes et les préjugés afin de légitimer les exactions dont elles ont à souffrir. Historiquement, en Europe notamment sous le régime nazi, les lesbiennes étaient enfermées et tuées, considérées comme “asociales”.

-  La liberté d’expression et d’information  : dans la majorité des cas, les médias traitent les lesbiennes avec mépris. Les publications gay et lesbiennes sont bien souvent saisies par les autorités, sous prétexte de pornographie, d’indécence, etc. D’autre part, les lesbiennes rentrent également dans la catégorie des fantasmes dans la pornographie hétérosexuelle.

-  La liberté d’association  : dans certains pays, les lesbiennes et les homosexuels n’ont pas le droit de former des associations. L’Autriche n’a aboli qu’en 1996 les lois discriminatoires qui interdisaient les associations homosexuelles, ainsi qu’une information positive sur l’homosexualité.

-  Le droit à une protection égale et à la non discrimination  : certains États membres de l’UE et beaucoup d’autres pays possèdent encore une législation discriminatoire envers les lesbiennes. Dans certains cas, elles peuvent être condamnées pour “indécence publique” et envoyées dans des institutions psychiatriques.

-  Le droit à la famille  : dans certaines familles, les lesbiennes sont obligées de se marier, dans la perspective de les “guérir” de leur “maladie”, et d’épargner à la famille la honte de compter un membre hors norme. Dans aucun pays du monde on ne reconnaît les couples de lesbiens comme un équivalent du mariage hétérosexuel [2], ce qui a un impact sur une série d’autres droits associés par les liens de mariage. On peut citer : la sécurité sociale, le logement, l’héritage, l’imposition, l’adoption, le partage de la garde des enfants, l’insémination artificielle, les lois d’immigration, le droit de rendre visite à sa partenaire en prison ou à l’hôpital, etc.

-  Le droit au travail  : les lesbiennes peuvent rencontrer la discrimination dans l’embauche, la démission, la promotion, la formation, les conditions d’emploi, etc. Bien souvent, elles ne disposent d’aucun recours pour faire prévaloir leurs droits. Certaines professions, telles que les postes diplomatiques et l’armée ne sont pas offertes aux lesbiennes.

-  Le droit à la santé  : ce n’est qu’en 1993 que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a rayé l’homosexualité de la liste officielle des maladies, et a donc tourné la page de sa politique discriminatoire. Toutefois, le fait d’être lesbienne reste “anormal”, ou est du moins considéré comme une déficience psychologique.

-  Le droit à l’éducation sans harcèlement  : beaucoup de jeunes lesbiennes sont montrées du doigt ; elles subissent un harcèlement physique et verbal de la part de leurs compagnons de classe et des professeurs. Rares sont les universités qui ont le désir et les moyens d’inscrire les études lesbiennes/homosexuelles à leur programme.

Le droit d’asile et le droit au statut de réfugiée si les gays et les lesbiennes sont persécutés et menacés dans bien des pays, leur orientation sexuelle n’est en général pas reconnue comme la justification d’une demande de statut de réfugié ; seuls quelques États font exception. Amnesty International a inscrit en 1991 la persécution des gays et des lesbiennes parmi ses préoccupations.

3. La situation légale et juridique des lesbiennes dans l’Union Européenne

C’est en 1981 que pour la première fois, la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée sur les droits des homosexuels, un cas qui a depuis fait jurisprudence en faveur des droits des lesbiennes et des gays. Dans le cadre de l’Union Européenne, c’est le Parlement qui a souvent souligné et rejeté les violations des droits des homosexuels. A la Commission européenne, c’est la Commissaire Papandréou qui a créé une unité au sein de la DGV qui était chargée des contacts avec les associations nationales et internationales de lesbiennes et de gays. Elle a fait établi deux rapports sur le sujet. C’est lors de la Conférence intergouvernementale d’Amsterdam en 1997 que pour la première fois, le thème de l’orientation sexuelle a fait l’objet d’un accord permettant d’établir un cadre légal et de proposer une base juridique pour le développement des programmes et l’octroi de fonds pour lutter contre la discrimination sur base de l’orientation sexuelle.

4. Recommandations adressées au LEF

Au niveau international

Intégrer les droits des lesbiennes dans le programme de travail général du LEF, dans ses activités de lobbying en faveur des droits humains des femmes, surtout en ce qui concerne le suivi de la conférence de l’ONU sur les femmes (1995), ainsi que les travaux dans le cadre du Centre européen pour la promotion d’une politique de lutte contre la violence envers les femmes.

Faire un travail de lobbying auprès des organisations internationales telles que l’OSCE, la sous-commission de l’ONU sur la prévention de la discrimination et la protection des minorités, et les autres institutions de l’ONU concernées (ex. : OIT, OMS ; CDHONU, etc.), ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme. Parmi les partenaires potentiels de lobbying, citons le Comité international pour les droits humains des lesbiennes et des gays (IGLHRC), l’Organisation internationale des jeunes lesbiennes et gays (ILGYO), Égalité (Égalité pour les gays et les lesbiennes au sein des institutions européennes), Amnesty International et les associations nationales de lesbiennes et de gays.

A l’échelon européen

Le suivi de la Conférence Intergouvernementale de 1997 permettra notamment à l’UE et à ses États membres de prouver leur désir de lutter activement contre la discrimination envers les lesbiennes. Dans ce contexte, le LEF pourrait lancer et/ou participer à une campagne européenne contre l’homophobie.
Le LEF pourrait collaborer avec les organisations internationales de gays et de lesbiennes, notamment ILGA Europe et Égalité, pour récolter des exemples qui permettront ensuite de faire pression sur les institutions européennes en faveur d’un traitement égal et de l’abolition de toute forme de discrimination envers les lesbiennes et les gays.

Faire une étude portant sur les dimensions de la violence envers les lesbiennes dans les États membres.
Les États européens candidats à l’adhésion devraient être soumis à un contrôle attentif quant à la manière dont ils traitent les lesbiennes. L’UE devrait vérifier si le droit national de l’État candidat est en accord avec la Convention européenne des droits de l’homme. En Roumanie, par exemple, une loi anti-homosexuelle condamne toute activité homosexuelle consentante à une peine de prison allant jusqu’à cinq ans. Cette loi date de 1993.

Au niveau des États membres

Dans une déclaration de principe, le LEF pourrait exiger l’abolition des dispositions légales qui pénalisent toute activité sexuelle entre personnes du même sexe.

Une telle déclaration devrait couvrir les droits suivants : l’égalité du statut juridique des couples homosexuels, l’égalité des droits d’asile pour les ressortissants de pays tiers persécutés sur la base de l’orientation sexuelle, la maturité sexuelle fixée au même âge pour les hétérosexuels et les homosexuels, l’égalité de traitement des lesbiennes et des relations lesbiennes dans les systèmes de sécurité sociale, les dispositions en matière d’adoption, d’héritage, de logement, etc. Le LEF et ses membres pourraient en outre surveiller les progrès des États membres et mettre en place, sur une base régulière, des tribunaux pour les contentieux des lesbiennes et des gays.

Au niveau du LEF

Le LEF et ses organisations membres devraient analyser les raisons pour lesquelles les organisations de lesbiennes ne font pas partie du LEF et pourquoi les questions liées aux droits des lesbiennes ne figurent pas à son ordre du jour. Ce type d’analyse révélera sans doute que le LEF doit faire face à ses propres craintes et préjugés avant de pouvoir élaborer une politique anti-discriminatoire en la matière.

Pour ce faire, le LEF devrait prendre contact avec des organisations et des réseaux de lesbiennes, et les inviter à se joindre aux organisations nationales, ou directement au LEF.

Adopter une politique de mainstreaming interne, c’est-à-dire, intégrer les thèmes des lesbiennes dans les documents officiels du LEF et les politiques de lobbying. Pour le développement d’une politique cohérente, le LEF devrait travailler en réseau avec les institutions existantes et les organisations au niveau national et européen.


[1Dans ce document, le terme “lesbiennes” est utilisé pour désigner les femmes qui pratiquent l’homosexualité, bien qu’il advienne que celles-ci s’identifient autrement. Ce choix s’est porté sur cette appellation car elle ne réduit par le mode de vie ni l’amour lesbiens à un simple problème de sexualité. Vu les limites de ce document, il est impossible d’adopter une approche plus pointue à la variété des identités et des styles de vie lesbiens.

[2Texte écrit avant les dernières mesures concernant le mariage des homosexuels


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