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vendredi 2 mars 2012
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Sida : où sont les femmes ?

Act Up Paris, tract, 8 mars 2000

Aujourd’hui la moitié des personnes séropositives en France sont des femmes.

Aujourd’hui, le nombre de femmes contaminées par le virus du sida ne cesse d’augmenter.

Aujourd’hui, on nous dit que les campagnes de prévention sida ont nui à la contraception.

Aujourd’hui une femme séropositive est une femme à « la féminité blessée », mais que pèse le poids de cette « atteinte à la féminité » face au poids quotidien de la maladie ?

Il y a quelques années encore on désignait les femmes séropositives comme des « coupables ». Maintenant, on veut voir en nous des « victimes ». Tout cela nous exaspère. Nous ne sommes ni « coupables » ni « victimes », nous sommes simplement des femmes séropositives. Cela nous suffit bien.

Il semble que le féminisme soit passé à côté de l’épidémie de sida et qu’il ait oublié les femmes séropositives. Pire, un certain féminisme s’est permis, par l’intermédiaire de personnalités comme Irène Théry, de parler à notre place. Aujourd’hui, il faut cesser de laisser discourir sur nous, en finir avec ce « féminisme d’apitoiement », d’ignorance. Il nous faut reprendre la parole.

L’épidémie de sida nous a conduit à demander la reconnaissance des droits des homosexuels, elle nous a conduit à contester les lois sur les drogues et la toxicomanie, elle nous a conduit à demander la régularisation des sans-papiers et la libération des malades incarcérés. Elle nous demande aujourd’hui de réinventer le féminisme.

Aujourd’hui le sida menace de régression la situation des femmes. Il réveille les désirs de protection comme les désirs d’accusation. Être touchées par le virus ne nous a pourtant pas privées du désir de vivre ni du besoin de conserver notre autonomie. Nous avons besoin d’armes pour user des droits qui sont les nôtres. Celui de séduire, d’être aimées, d’avoir une sexualité libre et heureuse, sans être obligées pour cela de cacher notre statut sérologique.

Il nous faut nous afficher. Briser le silence. Rencontrer d’autres femmes, séropositives, féministes, étrangères, toxicomanes, qui se battent pour améliorer leur situation.

Assemblée générale publique « Femmes et sida »

Avec la participation d’organisations féministes et d’associations de lutte contre le sida. Ouverte à toutes et à tous ceux qui désirent réfléchir à de nouveaux moyens d’action et de réflexion. Mardi 28 mars à 19 h 30, École des beaux-arts, 14 rue Bonaparte Paris 6ème.

Nous sommes vivantes et belles

Act Up Paris, tract, 15 janvier 2000

Aujourd’hui, la plupart des femmes séropositives vivent encore leur sida dans le secret, comme une maladie honteuse. Beaucoup d’autres ne sont pas dépistées, à cause du silence et de la peur qui entourent toujours la maladie. La honte, le rejet et l’opprobre sont loin d’avoir disparu. On nous a dit « coupables » de vagabondage sexuel. On nous a dit « victimes » de partenaires inconscients. Deux versants d’un même discours : autant dire qu’aujourd’hui encore, la vie sexuelle des femmes a difficilement droit de cité. Les pouvoirs publics reculent devant leurs responsabilités et négligent les campagnes de prévention. Les préservatifs féminin sont quasiment introuvables. La recherche sur les gels virucides stagne, faute de moyens suffisants. C’est à cause de ces attitudes que l’épidémie continue de progresser. Il y a aujourd’hui 13 contaminations par jour en France, dont au moins la moitié de femmes.

Tout cela nous exaspère. Nous ne sommes ni coupables ni victimes. Nos sommes simplement des femmes contaminées qui, grâce à l’avancée des traitements, sommes en bonne santé pour la majorité d’entre nous, et sans doute pour longtemps. Nous sommes vivantes et belles. Nous avons le droit de vivre au même titre que toutes les autres femmes. Nous en avons assez de rester à la porte d’essais thérapeutiques plus accessibles aux hommes qu’aux femmes. De peiner à voir prendre en compte les problèmes spécifiques (gynécologiques, notamment) que nous pose le VIH. D’entendre discourir sur notre compte, de loin et sur un ton gêné.

Ce que les pédés ont réussi à conquérir, en partie au travers de la lutte contre le sida –la fierté d’être gay ou lesbienne, la fierté d’être ce que l’on est, la possibilité de sortir du placard- nous avons encore à le conquérir. Cette épidémie nous a conduits à demander la reconnaissance des droits des homosexuels. Elle nous a conduit à contester les lois sur les drogues ou sur l’immigration. Elle nous demande aussi de réinventer le féminisme.

Nous, femmes séropos, ne nous en sortirons, comme les autres minorités avant nous, qu’en nous affichant. En brisant le silence. En refusant de laisser les autres parler à notre place. En revendiquant les droits qui sont les nôtres : celui de vivre, de travailler, de séduire, d’être aimées, d’avoir une sexualité libre et heureuse, sans être obligées pour cela de cacher notre statut sérologique. Nous aimons vivre, et nous n’avons pas l’intention de nous en priver.

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