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vendredi 2 mars 2012
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Santé – maladie : peur et attraction ?

Michèle Larrouy, La Feuille de consult’ (Bulletin du groupe santé lesbienne), n°2, juin 1989, pp.12-14

La santé, aujourd’hui, a ses normes, liées à un certain profil obligatoire d’individus.

La bonne santé, cela doit se voir : être mince, jeune, bronzé, actif à l’extrême, sportif et présentant bien ! C’est l’apparence !!

En sont donc systématiquement exclus : les non-valides (malades, handicapés…) ; les vieux ; les femmes dès qu’elles ne sont plus actives (très actives) et "désirables" (appropriables) par les hommes ; les plus pauvres ; les gros et surtout les grosses (car les hommes sont souvent qualifiés de "forts", alors que les femmes… !)

Je ne veux pas dire que ces groupes sociaux ne sont pas ou ne peuvent pas être en "bonne" santé, mais qu’ils ne sont pas reconnus parce que ne correspondant pas aux schémas dominants.

Une autre facette de la santé aujourd’hui, c’est la santé au plus vite, au plus court… Tout est hyper-médicalisé ; l’humain ne se donne plus le temps de penser (panser ?) son corps, ses maux… Il faut aller vite. "Je veux être debout, ne plus avoir mal, marcher, être bien… dès demain, ou dormir au plus vite, ne plus être stressée…". Alors commence la longe ascension vers une prise de médicaments à outrance sans avoir quels effets réels, à moyen et long terme ils vont avoir sur l’organisme. Commence la course aux spécialistes répondant au mieux à ces attentes. Commencent les examens de toute sorte pour enfin arriver à connaître un peu son corps, car c’est la, la recherche : l’humain est à la fois, dans nos sociétés, fasciné par la santé (bonne) et la maladie (mauvaise).

Peur et attractions. Exorciser en en parlant ? Mais tout le monde en parle, et s’étend quotidiennement, sur sa santé et ses maux, ses médications. Mais ne fait jamais de démarche pour un peu soulever le voile de cet intouchable et sacro-sainte institution. Vouloir savoir et se voiler la face ? Pourquoi ?

Si je veux réfléchir, écrire sur ma santé, je ne peux la penser en dehors de tout contexte.

Contexte physique : je suis de sexe féminin et je pense que seules des femmes (quelques unes) peuvent me conseiller face aux interrogations que j’ai sur ma santé.

Contexte politique et sociologique : je suis lesbienne et j’ai une analyse du monde dans lequel je vis. Je pense que la médecine, comme le reste, est, depuis des centaines d’années, aux mains des hommes, donc que les recherches en matière de soin, de prévention, de traitement médicamenteux ont toujours été dirigées dans un seul sens, la rentabilité des corps, et une vision de la famille hétéro comme étant "naturelle".

Il est donc difficile, vu les doctrines médicales majoritaires, de savoir vraiment comment vivre sa santé. Je sais, un minimum, ce que je ne veux pas et contre quoi je dois me protéger, mais n’ayant jamais été gravement malade je n’ai jamais eu le dilemme d’un choix crucial qui aurait pu mettre en jeu ma vie. Pourtant ce qui peut m’être positif est difficile à trouver, il faudrait se lancer dans de longues études pour connaître réellement certaines médecines : il n’y a pas d’information véritable, il y a détournement d’informations. Exemple le dénigrement des médecines dites "parallèles" par la médecine majoritaire.

Et nous, lesbiennes, marginales par excellence, parce que non "nommées", non "répertoriées", non "écrites", dans le domaine de la santé, ne pouvons trouver les informations et les conseils pour notre corps, car le corps lesbien n’est pas le corps femme. Nous n’avons pas les mêmes vies – quotidiennes, érotiques…- pas les mêmes choix, donc pas les mêmes plaisirs, stress, maladies, pas les mêmes symptômes physiques ou psychiques, pas les mêmes causes en tout cas.

Alors souvent, nous ne participons pas à cette folie actuelle qu’est la prise en charge à outrance par le médical de notre santé et nous délaissons le minimum faute de trouver une écoute véritable. Souvent nous refusons d’y penser : pas le temps… je vais bien… je ne ressens pas de troubles graves… Et puis par période c’est l’affolement, et le recours aux examens, aux contrôles, mais sans avoir réfléchi et mené une recherche de ce qui est bon pour moi. Difficile de prendre en charge ma santé, donc ma vie, dans le quotidien à chaque instant !

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