LA MATERNITE DE SUBSTITUTION (GPA) UN ETAT DES LIEUX

mercredi 14 septembre 2016
par  CLF
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Dresser un état des lieux des législations concernant la maternité de substitution en Europe et dans le monde, examiner les forces en présence sur la question de la GPA va éclairer la stratégie du mouvement contre l’abolition de la GP auquel la Coordination Lesbienne en France a souscrit.

(Intervention à l’Université d’été de l’Assemblée des femmes par la Coordination lesbienne en France, à La Rochelle, le 25 Août 2016).

LES FORCES EN PRESENCE

Les Etats, entre laisser-faire, réglementation ou interdiction

Peu d’états disposent de textes législatifs spécifiques à la GPA. Qualifier leur position suppose une analyse des dispositions touchant à la parentalité, à l’adoption, au mariage, à la filiation, parfois à l’émigration ainsi qu’aux lois de bioéthique quand elles existent.
De plus les législations évoluent très vite, en 2015 et 2016, plusieurs états sont passés d’une permissivité extrême à une réglementation draconienne pour refouler le tourisme procréatif galopant et faire barrage aux abus révélés par plusieurs scandales.

En Europe

Le cœur de l’Europe, en rouge, interdit la GPA avec une exception, le Portugal qui l’a autorisée en 2016, strictement dans les cas d’infertilité féminine et sans contrepartie financière pour la mère porteuse.

La réglementation, dans les cinq pays nordiques Islande, Danemark, Suède, Finlande, Norvège est similaire : toute assistance médicale à la procréation est strictement prohibée si l’enfant doit être abandonné à la naissance. Toutefois le recours à la GPA traditionnelle où la mère porteuse est aussi la mère génétique (elle apporte ses propres ovocytes) reste possible à condition qu’elle soit réalisée sans assistance médicale à la fécondation. Par exemple, au Danemark, la loi comporte une faille puisqu’elle cible uniquement l’assistance à la fécondation prodiguée par des médecins. Aussi les cliniques détournent-elles cette règle en confiant ces actes aux sages-femmes.

En Norvège le don d’ovocyte est, de fait, interdit puisque l’implantation d’embryon dans le ventre d’une femme n’est admise que si la fécondation est réalisée à partir de ses propres ovocytes.

Mais en Islande un projet de loi datant de 2015 vise à légaliser la GPA altruiste pour les couples ou les individuEs.

En Suède, un rapport gouvernemental s’est prononcé en 2016 en faveur de l’interdiction de toute forme de GPA.

Sur la carte, les zones grises sont des zones floues, théoriquement sans réglementation, mais où la GPA se développe plus ou moins clandestinement.

Les zones vertes sont les zones du laisser-faire, où la GPA est devenue un véritable business

Dans le monde

Les pays d’influence britannique adoptent des approches similaires : la régulation en faveur d’une GPA dite altruiste.

Au Canada, seul le Québec qui l’interdit.

Aux Etats-Unis, la législation diffère d’un état à l’autre, mais la plupart des états l’acceptent.

Le Mexique était sur le point de devenir une destination prisée pour la GPA commerciale, parce qu’à un coût deux fois moindre qu’aux Etats-Unis, en particulier dans l’état de Tobasco qui l’autorisait spécifiquement. Mais fin 2015 son accès a été restreint aux seuls couples nationaux en mesure de prouver leur infertilité.
Au Brésil, seule la GPA avec mère porteuse faisant partie de la famille proche est possible.

Au moyen Orient : les pays de religion sunnite l’interdisent tandis que les chiites au Liban et en Iran l’autorisent (la question de la position des religions par rapport à la GPA mériterait une étude à part entière).

La Chine avait interdit la GPA, mais s’y développaient des cliniques clandestines et certains de ses ressortissants les plus fortunés avaient recours à des cliniques au Japon ou aux USA pour que l’enfant bénéficie d’une nationalité considérée comme offrant davantage d’opportunités. Fin 2015, la Chine est revenue sur cette interdiction pour, selon elle, remédier à un taux d’infertilité élevé. Les cliniques y offrent la possibilité de sélectionner le sexe de l’enfant et recrutent, entre autres, de jeunes diplômées qui ne trouvent pas de travail à la fin de leurs études comme mères porteuses.

Le Japon l’interdit sur son territoire mais favorise la GPA transfrontière.

En Inde, le projet de loi qui sera voté en automne 2016 restreindra la GPA aux seuls couples hétérosexuels indiens infertiles mariés depuis 5 ans. Elle avait déjà interdit la GPA aux couples homosexuels et aux personnes seules en 2013 et proscrit la GPA commerciale en 2015.

Le cas du Népal est intéressant. Tandis que l’Inde commençait à restreindre l’accès à la GPA sur son territoire, les cliniques, avec leurs mères porteuses indiennes, ont commencé à se redéployer au Népal, pays limitrophe accessible sans visa et à législation floue. Et ceci d’autant plus que le ministre de la santé et des populations y avait encouragé le tourisme médical et la GPA, à condition que la gestatrice ne soit pas népalaise. Mais en Avril 2015, lors du tremblement de terre qui a fait près de 9 000 morts, Israël a évacué 26 bébés nés de GPA sur le territoire népalais avec leurs parents d’intention, abandonnant sur place les mères indiennes qui leur avaient donné naissance, ce qui a fortement choqué l’opinion publique. A la suite de ce scandale et par crainte que le tourisme procréatif mobilise le système de santé au détriment des népalais et népalaises, le gouvernement a finalement fait marche arrière et décrété un moratoire sur la GPA.

En Thaïlande, c’est un autre scandale qui a décidé la junte au pouvoir à encadrer strictement le recours à la GPA en février 2016. Un couple australien avait abandonné un bébé trisomique à sa mère porteuse thaïlandaise, emportant sa sœur jumelle, en bonne santé. Dorénavant, pour qu’un couple puisse avoir recours à une mère porteuse en Thaïlande, il faut qu’il soit marié depuis au moins trois ans, que l’un des deux au moins soit Thaïlandais, qu’ils puissent prouver leur incapacité à procréer et qu’aucune de leurs proches ne soit en mesure de servir de mère porteuse.

Dans ce contexte asiatique, le Cambodge est devenu la zone de repli des très nombreuses agences qui florissaient en Inde, Thaïlande ou Népal. Elles y emploient désormais des femmes recrutées au Laos, au Népal ou en Thaïlande plutôt que des cambodgiennes. Jusqu’à ce qu’éclate un nouveau scandale sans doute !

Des conceptions différenciées du rôle de l’état

Les positions prises par chacun des pays trouvent leur origine dans des conceptions différenciées du rôle de l’état : pour les uns, il s’agit de protéger à égalité tous les citoyens et citoyennes, c’est le cas de la France, de l’Allemagne et de la majorité des pays qui interdisent toute forme de GPA. Pour les autres, le souci est d’encadrer cette pratique pour éviter les dérives prévisibles, le Royaume Uni, la Grèce appartiennent à cette catégorie. Enfin la Russie et l’Ukraine sont représentatifs des pays permissifs ou qui encouragent même le tourisme procréatif.

Le droit y joue un rôle différent : en pays réglementaristes il est régulateur des relations sociales entre les individus d’une même société, en pays abolitionniste, il assure la protection de l’individu lui-même et de son corps (intégrité physique – non patrimonialité du corps humain).

Vu sous cet angle, c’est plutôt l’abolition de la GPA qui se situe du côté du progrès social.

Soulignons aussi que l’utilisation des termes « réglementarisme » et « abolitionnisme » n’est pas fortuit, les mécanismes et les effets de la GPA et de la prostitution sont, dans les faits, sensiblement identiques.

LES MILITANT-E-S : UNE OPPOSITION RADICALE

Deux camps s’opposent naturellement sur la GPA : Les pro-abolition et les pro-GPA

  • Parmi les pro-abolition, une facture radicale sépare camp progressiste et camp réactionnaire.
    • Le premier regroupe, composé d’organisations féministes ou des droits humains et de politiques se bat, avec une conscience féministe, au nom des valeurs de liberté, d’égalité et de justice sociale.
    • Le deuxième groupe, dont le leader en France est La « Manif. pour tous », brandit des arguments féministes comme la non marchandisation du corps des femmes, mais agit au nom du respect de « la » femme, vue comme une entité mythifiée, de l’imposition de la norme hétérosexuelle et de la quasi sacralisation de la famille traditionnelle.

Ces deux approches sont bien entendu irréconciliables.

  • Parmi les pro-GPA se retrouvent des courants libéraux avec leurs portes paroles médiatiques (Cas de Pierre Bergé), beaucoup d’organisations LGBT (voire intervention de Catherine Morin Lesech), des courants de pensée universitaires, autour de Irène Théry par exemple, et dans le monde, le milieu des affaires (juristes, cliniques, intermédiaires, etc…)

LES ARGUMENTS DES FORCES EN PRÉSENCE

Nous tenterons ici de déconstruire les cinq arguments le plus fréquemment évoqués pour promouvoir la légalisation du recours à la GPA et s’opposer à son abolition.

Les tenants du réglementarisme brandissent l’épouvantail de la GPA commerciale

L’examen des cartes présentées précédemment appelle naturellement 2 questions :

Tout d’abord, la GPA encadrée et la GPA commerciale sont-elles vraiment différentes ?

En matière de GPA commerciale tout est défini dans les clauses du contrat qui lient la mère porteuses et les demandeurs/euses. Ainsi dans les contrats actuellement proposés par les agences américaines, on y définit :

  • Des règles de sélection et de vie de la gestatrice : elle doit avoir déjà procréé au moins une fois pour elle-même (pense-ton s’assurer ainsi de sa fertilité ou éviter qu’elle ait envie de garder l’enfant à venir !!). Peut-elle fumer ? Quel type d’alimentation lui autorise-t-on ? Pendant combien de temps doit-elle s’abstenir de relations sexuelles ? Aura-t-elle le droit de conduire ou de voyager pendant sa grossesse ?
  • Des règles financières : la gestatrice sera défrayée et on lui octroiera une indemnité pour ses dépenses mensuelles, voir une indemnité pour perte de salaire. Les demandeurs seront astreints à un calendrier financier.
  • Des dispositions réglant les aléas de la « production » : souhaite-t-on sélectionner le sexe de l’enfant ? Si les demandeurs changent d’avis en cours de grossesse, exigeront-ils un avortement de la part de la gestatrice ? Doit-on prévoir une réduction embryonnaire si plusieurs fœtus se développent ? Et que fait-on si l’enfant est handicapé, si la gestatrice refuse de le livrer ? Et si la grossesse n’est pas menée à terme, quels sont les recours des demandeurs/euses, … et si… et si … Il vaut mieux tout envisager !!

En matière de GPA règlementée, c’est la loi qui régit les relations entre les parties :

  • Qui peut prétendre à la GPA : quelle population est autorisée à faire appel à la gestation pour autrui et pour quels motifs : réserve-ton la GPA aux seuls nationaux ? Tous les individuEs, ou seulement les couples peuvent ils y prétendre et dans ce cas, y inclut-on les couples homosexuels ? Pour quels motifs ? Quels sont les mécanismes d’autorisation ? un tribunal comme en Grèce ou une commission comme en Israël qui dispense une autorisation officielle préalable ?
  • Qui peut être gestatrice ? Combien de fois peut-elle renouveler l’opération ? A quel âge ? Quelle est sa rémunération ? Comment lui est-elle versée ? Est-ce un salaire ou un dédommagement ? Ses 9 mois de grossesse seront-ils pris en compte dans le calcul de ses droits à la retraite ?
  • Comment s’opère le transfert de parentalité entre la gestatrice et les demandeurs/ses : par adoption comme au Royaume, par décision judiciaire ? A quel moment ?
    Par contrat ou par la loi, les mécanismes de GPA présentent beaucoup de similitudes. Les opposer est un faux débat.

Avec la GPA encadrée, on va, il est vrai, accorder un certain niveau de protection à la mère porteuse en limitant les abus. En Grèce, par exemple, aucune pression ne peut s’exercer sur la mère porteuse. Elle peut avorter si elle le souhaite et nul ne peut lui imposer de règle d’hygiène, ce dont ne se privent pas les contrats. Mais cette protection relative n’est pas gratuite, la mère porteuse a, en quelque sorte, un prix à payer en retour : sa rémunération sera limitée par la loi, voire supprimée comme au Portugal !!

La seconde question : la GPA encadrée (dite altruiste) limite-t-elle le développement de la GPA ?

  • En zone réglementariste, malgré toutes les précautions prises par le législateur, se développe la GPA transfrontière qui, portées par des agences ou des intermédiaires, est commerciale. C’est ce qui se passe au Royaume Uni ou en Israël et pratiquement dans tous les pays réglementaristes dont les ressortissants, exclus pour des raisons médicales (infertilité) ou idéologiques (gays, ou célibataires) vont « faire leur marché » dans les pays où la législation est la moins contraignante. Des pays ont tenté de se prémunir contre ce que certains appellent « la GPA offshore », facilement accessible via internet. Ainsi, pour décourager le trafic sur son territoire, la Grèce impose-t-elle que la mère porteuses et la femme demandeuse soient toutes deux domiciliées sur son territoire. Mais les autorités judiciaires chargées d’approuver toute demande de GPA interprètent la notion de domiciliation de façon très large, une attestation de résidence fournie par un ami, un contrat de bail peuvent éventuellement suffire.
  • En zone libérale se développe la « GPA sauvage ». A côté de cliniques ayant pignon sur rue se sont installées, en Ukraine et en Inde jusqu’à ce que la réglementation intervienne, des officines qui proposent une prestation GPA « low cost » dans ce marché devenu très juteux et accessible au trafic humain.

Partout, l’ouverture à la GPA agit comme un appel d’air et construit la demande. Son encadrement par le législateur, la rend socialement acceptable, contribuant ainsi au développement de la GPA mondialisée. Plus que quelque pas pour atteindre « le meilleur des mondes » d’Adlous Huxley !!

La liberté ? Liberté d’exploiter le corps des autres !!

Des individus s’érigent en donneurs de leçon. Pierre Bergé déclarait : « Nous ne pouvons pas faire de distinction dans les droits, que ce soit la PMA, la GPA ou l’adoption. Moi, je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? C’est faire un distinguo qui est choquant ». (Lepoint.fr du 17/12/2012)

Cette formule, résume, à elle seule, la position du courant libéral.

  • Qui parle ici ? Une personne qui est du côté du pouvoir de l’argent et donc un acheteur potentiel !!
  • La liberté dit-il ? Celle d’exploiter les autres !! Ou de faire en sorte que les mères porteuses consentent elles-mêmes à leur propre exploitation.
  • Louer son ventre ? L’usine ou la GPA c’est pareil. Ouvriers ou mères porteuses sont, bien sûr, des êtres inférieurs réduits à leurs seuls organes, muscles pour les uns, utérus pour les autres !! On soulignera l’arrogance de classe exprimée ici de façon décomplexée par Pierre Bergé.

Cet argument, nous l’avons entendu de la bouche de militants gays pro GPA lors d’une réunion de l’InterLGBT.

La tentation des bons sentiments, altruisme pour la mère porteuse, éthique pour les parents d’intentions, compassion pour tout le monde !

Altruisme

« Quelle merveilleuse générosité que celle des mères porteuses, critiquer la GPA c’est ternir leur beau geste » a-t-on entendu. Les femmes seraient donc généreuses, portées vers le don d’elle-même ? Par nature ?

Mais au Royaume Uni, où seule la GPA altruiste est tolérée, les volontaires mère porteuses ne se précipitent pas et ne sont pas assez nombreuses pour faire face à la demande !! (200 par an).

Les gestatrices sont en Ukraine des jeunes femmes pauvres. En Grèce, une étude portant sur 135 demandes de GPA montre que 54% d’entre elles sont assurées par des femmes émigrées. Aux USA, où on exige que les mères porteuses ne soient pas démunies, ce sont majoritairement des mères au foyer qui se portent candidates. Partager sa vie avec un compagnon ou un mari bénéficiant de revenus est considéré comme une réponse à cette exigence.

En juillet 2013 une entreprise américaine « Extraordinary Conceptions » est venue en France proposer ses services en matière de GPA. Très souriant et sûr de lui, son dirigeant ventait la grande générosité de ses mères porteuses qui « acceptent de porter un enfant pour le bonheur d’autres couples », prétendant recruter des femmes dans des milieux plutôt aisés. Sans relever la contradiction, il affirmait aussi s’assurer que la motivation des candidates était bien l’intérêt financier, la meilleure garantie pour que les femmes livrent bien « le produit ».

Ainsi derrière cette générosité, mise en avant parce que rassurante pour les demandeurs/euses, se cache une motivation avant tout financière que l’une d’entre elle exprimait ainsi : « je le fais pour aider la famille ». N’est-on pas là en présence d’une double instrumentalisation des femmes au profit des demandeurs d’une part et de leur famille d’autre part ?

Bizarrement, on ne requiert pas d’altruisme de la part des demandeurs.

L’altruisme est un argument qui a toujours été utilisé pour justifier des situations inégalitaires au détriment des femmes que ce soit leur salaire, considéré à une époque comme salaire d’appoint, ou le développement du service à la personne nettement sous payé …

Ethique

La GPA dite « éthique » devrait rééquilibrer spontanément les rapports de forces inégalitaire entre des demandeurs socialement, intellectuellement et financièrement favorisés et des femmes à qui on ouvre des perspectives financières inespérées. Autant attendre une démarche éthique d’un loup dans la bergerie !

Compassion

Compassion pour les couples infertiles, pour les gays en mal d’enfant !! L’appel à la compassion est bien un truc marketing, une façon de culpabiliser les opposants.
Mais où est la compassion pour les mères porteuses qui risquent leur santé ?

L’argument de la modernité scientifique et médicale

Jusqu’aux années 1980, ce qu’on appelle aujourd’hui gestation pour autrui, était réalisé par insémination de la mère porteuse. Ses propres ovocytes fécondés par le sperme du demandeur constituaient le capital génétique de l’enfant à naître. C’était donc son enfant biologique qu’elle remettait au demandeurE, un abandon programmé en quelque sorte.

Avec la FIV (fécondation in vitro), la science est venue changer la donne. Des embryons sont produits grâce aux gamètes d’un donneur et d’une donneuse qui peuvent être, ou ne pas être, les demandeurEs. La gestatrice subit un transfert d’embryon, opération certes beaucoup plus lourde qu’une simple insémination, mais qui casse le lien biologique de la gestatrice avec l’enfant qu’elle va porter ! Tout au plus loue-t-elle ou prête-t-elle son utérus !! D’où aussi la disparition du terme « mère porteuse », au profit du terme gestation pour autrui (GPA) plus aseptisé.
Le recours à la FIV a aussi eu pour conséquences de faire basculer la GPA dans le camp médical et de la faire considérer, à tort, comme l’une des techniques de procréation médicalement assistée, selon le classement de l’OMS, ce qu’elle n’est pas en réalité.

En effet, si la FIV relève bien du domaine médical, elle n’est que l’une des étapes de la GPA qui s’apparente davantage à une opération d’ingénierie médico-juridique d’une grande complexité qu’à un acte médical. Elle fait intervenir :

  • un donneur d’ordre : les demandeurs ou demandeuses ;
  • des contributeurs : la donneuse d’ovocyte, le donneur de sperme ;
  • des techniciens : les uns issus du monde médical qui assureront la ponction ovocytaire, la FIV ou l’insémination artificielle (le cas échéant) et des juristes pour organiser la filiation au profit des demandeurs/demandeuses ;
  • une gestatrice pour assurer la grossesse et l’accouchement ;
  • un maitre d’œuvre pour la coordination de l’ensemble des intervenants, assurée par une agence ou une clinique, agréée ou non ;
  • un corps de contrôle qui peut être selon les contextes règlementaires, une agence, une organisation lucrative ou non lucrative, une commission étatique ou une juridiction.

Cette complexité et la nature de plus en plus technique des acteurs va en favoriser l’opacité aux yeux du grand public et, en lui conférant un caractère prétendument scientifique, contribuer à disqualifier d’emblée toute critique. « La GPA, ça dérange mais puisque la technique le permet, pourquoi s’y opposer ? » entend-on !!.

Mais pour nous il est évident que la question de la GPA est d’abord une question de choix de société.

L’angle aveugle du champ philosophique

« Il y a des femmes qui adorent être enceintes et qui ne souhaitent pas pour autant assurer la responsabilité de l’éducation d’un enfant » disait Elisabeth Badinter en 2012.

Nous sommes tout à fait d’accord que l’amour maternel n’est pas inné. Mais là n’est pas la question. C’est ignorer la réalité de la GPA que d’évoquer cet argument pour la justifier.

Selon cette vision, la GPA permettrait de libérer les femmes de l’imposition à la procréation. Mais libérer quelles femmes ? Les mieux positionnées dans la société ? Celles-ci sous-traiteraient alors la tâche de reproduction à d’autres, qui elles, à l’autre bout du monde ou dans d’autres catégories sociales trouveraient leur épanouissement dans l’accouchement et la gestation ? Mais dans quel univers ?

En réalité, la GPA renforcerait plutôt la contrainte à la procréation imposée par la société, les cultures ou les religions sur les femmes, et aujourd’hui aussi sur les gays. En effet, désormais, il n’y a plus d’échappatoire, là ou PMA et adoption ont échoué, la GPA s’offre comme la solution imparable à la procréation, faudrait-il 3 femmes pour la mettre en œuvre, la mère d’intention, la donneuse d’ovocyte et la mère porteuse.

QUELLES STRATÉGIES POUR LE MOUVEMENT ABOLITIONNISTE ?

Le mouvement pour l’abolition universelle de la GPA se doit d’embrasser 3 objectifs majeurs :

1- Une urgence : empêcher les institutions européennes de recommander la GPA dite « éthique »

Le parlement européen en 2015 a condamné la pratique des mères porteuses.
Le Conseil de l’Europe, par deux fois, en 2016, a mis au vote le rapport de Sutter qui préconisait une harmonisation des législations européennes en faveur de la GPA « éthique » pour faire barrage à la GPA transfrontière. Le mouvement pour l’abolition de la maternité de substitution s’y est opposé, fort des 54 associations féministes et des droits humains qui le soutiennent aujourd’hui.

Ce sujet revient sur la scène le 21 septembre 2016, date à laquelle le Conseil de l’Europe se prononcera à nouveau sur le sujet.

La Conférence de la Haye de droit privé international (HCCH) émet des recommandations écoutées par les instances européennes, ses avis sont très suivis par le Conseil de l’Europe et le Parlement européen. Elle a lancé un travail visant à élaborer un nouvel instrument sur des « Questions de droit international privé concernant le statut des enfants, notamment celles découlant des conventions de maternité de substitution à caractère international ». Qu’il s’agisse d’une pratique supposée éthique ou ouvertement commerciale n’a ici aucune importance, car la seule chose qui compte est la possibilité d’harmoniser les règles de droit qui la concernent.

2- Éclairer l’opinion publique

L’opinion publique est très partagée.

Dans les médias, toute contestation de la GPA tend à être assimilée, à tort, à la démarche de la « Manif pour tous », à une question de génération ou bien encore à une tentative rétrograde d’entrave au progrès.

Continuons à :

  • éclairer l’opinion publique en expliquant notre position féministe qui donne toute sa légitimité à la démarche abolitionniste ;
  • démontrer que la position abolitionniste est l’unique voie progressiste pour une société plus juste et plus respectueuse de la dignité des êtres humains.

3- Créer une force d’opposition européenne

Le mouvement est lancé. A la date anniversaire des premières Assises, à Paris, pour l’abolition universelle de la maternité de substitution, nos amies italiennes convoquent, à leur tour, une conférence internationale avec le même objectif pour le 2 février 2017.

Marie Josèphe Devillers
Co-présidente de la Coordination Lesbienne en France


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