Una terra di donne

jeudi 10 octobre 2013
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Présentation de l’association culturelle La Porta (Bologna) Italie

Nous remercions le CEL, la CLF et les LOC’s pour nous avoir invitées à cette rencontre, qui est pour nous une possibilité de faire connaitre notre projet et notre travail militant.

La Porta est avant tout un lieu qui cultive un rêve, une terre où nous cherchons à êtres libres. C’est une ancienne maison à la montagne, entre Bologne et Florence, entourée par le bois, qui est le siège de l’association culturelle, née en juin 2006.

Depuis 1998 La Porta est un lieu de lesbiennes, où l’on pratique et l’on crée de la pensée, de la musique, de la culture lesbienne et féministe. Beaucoup de femmes avec leur présence et leur passage ont construit cette toile de connexions entre présent, passé et futur qui rend possible encore de maintenir le lieu, le connaitre, y explorer les différentes dimensions multiples qui se créent entre les femmes et la nature. La maison d’édition lesbienne "Lesbacce Incolte" [1]et le groupe de musique Tribad sont née ici.

En 2006 le lieu était presque à l’état sauvage, mais au fil des années, et avec beaucoup de travail, le projet a pris une forme plus précise, saison après saison. Et même maintenant, en ce moment, c’est un projet en devenir, car il est vivant, mutant et se modèle à la réalité telle qu’elle se présente.

La qualité de la relation avec la nature et les autres femmes nous a guidées vers une idée de communauté renouvelée : la tribu. Une tribu très élargie, transversale et variée, qui est guidée par un esprit commun.

En 2009 nous avons compris qu’on voulait réaliser un thiasos, c’est-à-dire une école, en nous inspirant du thiase de Sappho. Un lieu où il soit possible de changer notre qualité de vie, de sortir de l’isolément et d’apprendre chacune des autres. Un lieu où pouvoir réunir nos talents pour la multiplications d’idées et de projets, de rencontres et de cré-action. "L’imagination crée la réalité, donc nous recontactons notre courage et commençons à cheminer dans le sentier du rêve."

Vivre en contact et en équilibre avec la nature est une des priorités de notre projet de vie. C’est la nature qui nous enseigne à rêver. On rêve d’une Tribu, dans un lieu où se développe une culture, une pensée, un esprit et une pratique qui peut se transmettre et ainsi se développer à l’extérieur.

Dans une ile de femmes, comme l’est La Porta, on ne peut pas ignorer qu’il y ait beaucoup de travail à faire pour soigner les blessures que les lesbiennes et les femmes portent en elles, et dans leurs relations et qu’il y ait aussi des instruments pour pouvoir y faire face, avec un travail personnel et collectif.

Le but c’est d’arriver à acquérir une prise de conscience et de responsabilité toujours plus grande qui nous permette d’élargir notre vision et de récupérer et nourrir notre pouvoir personnel et ainsi nous transformer en nous libérant des vieux schémas du passé qui nous conditionnent et nous emprisonnent.

C’est aussi de comprendre et explorer la connexion profonde entre les femmes et la nature.

Ce parcours nous a amenées à organiser des activités liées au soin de soi pour des petits groupes mais aussi des événements culturels plus grands. L’année dernière nous avons organisé pour la première fois le Festival Lesbien International, dans le but et la nécessité d’élargir notre réseau, de créer de connexions et des échanges.

La réussite du Festival nous a enseigné beaucoup de choses, dans la réalisation d’un événement si riche, long et complexe, et nous a donné beaucoup de confiance et d’espoir.

Après le Festival on a senti l’exigence que le grand réseau de femmes connectées à ce projet devienne plus solide et permette de sortir de la fatigue de la survivance matérielle. Cela aussi parce qu’est devenue toujours évident la contradiction entre l’abondance des idées, des émotions, des projets, de la beauté, des dons de la nature et la difficulté de gérer, d’entretenir le lieu toute l’année.

Notre plus grand défi est de construire une communauté de lesbiennes et de femmes qui décident d’acheter la maison et les 20 hectares de terre et bois qui l’entourent au nom de l’association et ainsi pouvoir la renouveler, utiliser les espaces de la grange et poser les bases d’un éco-village international de lesbiennes et femmes à la montagne. Nous sommes en train de créer un espace où vivre en autonomie et sororité, où l’on puisse expérimenter la gynergie – ou énergie des femmes –, la force et la beauté des femmes ensemble.

La Porta est un lieu ouvert toute l’année qui organise des activités pour lesbiennes et femmes et qui au mois d’août, depuis l’année dernière, donne vie à cet événement de dix jours qu’est le Festival Lesbien International.

Si la culture ne transforme pas, elle n’est pas vivante

Dans notre réalité quotidienne en Italie, si on n’élargit pas notre vision on suffoque. Nous sommes isolés du reste du monde, la crise économique est toujours plus grave surtout pour les femmes, la culture semble être une chose du passé, la manipulation s’opère à tous les niveaux et avec la politique il ne semble avoir aucune issue. Elargir notre vision nous permet d’être vivantes et de voir au delà. Voir et être au-delà des barrières, en nous situant nous-mêmes, en tant que sujet lesbien nomade et apatride, un « sujet de frontière », ainsi que l’entendait Gloria Anzaldua dans son ouvrage Borderlands/La Frontiera.

La culture lesbienne est une culture de niche, qui vit et opère sur le marge (elle n’est pas marginale, mais a un regard qui comprend les deux cotés de la marge), capable de se connecter avec des univers lointains mais qui n’a pas encore de visibilité dans le monde, par rapport à la culture gay. C’est sa vertu et son point faible. Elle travaille constamment pour affirmer sont existence, avec peu de moyens et beaucoup de bénévolat, mais cet aspect la rend puissante parce qu’elle a un grand pouvoir de transformation.

Tous les régimes (politiques) travaillent dur pour cultiver l’ignorance, pour que s’accroissent facilement l’intolérance et la peur/ la phobie qui génèrent la stagnation jusqu’arriver à la déshumanisation. Ils nous farcissent d’une fausse culture, basée sur les lois du marché, avec le seul but de vendre et de maintenir un état de fait. (ce sont les lobbies patriarcaux du pouvoir.)

La culture est un outil militant quand elle est capable d’opérer une transformation, quand elle bouge de l’intérieur, qu’elle met en mouvement l’énergie créatrice. Souvent cette transformation se déclenche au travers d’un choc ou d’un bouleversement qui remet en cause notre point de vue et, peut être, nos structures profondes.

Quand les femmes arrivent à La Porta, il n’est pas rare qu’elles vivent ce bouleversement, ce choc : elle re-trouvent ou dé-couvrent un lieu où elles se sentent chez elles et perçoivent un champ d’énergie qui est complètement différent de celui des lieux mixtes. Souvent elles ne sont pas préparées à cette intensité de communication et d’attention envers les autres femmes. L’alchimie qui se crée en travaillant toutes ensemble, ou en participant à des ateliers, est surprenante.

Cette intensité et proximité que nous appelons Gynergie, en empruntant le terme à Mary Daly, est une force extraordinaire, capable de faire bouger et changer les vies. Mais nous avons compris que la gynergie ne peut être une forme de culture militante que si elle est soutenue par un discours politique féministe et par une prise de conscience et de responsabilité personnelle et collective, lesquelles, ensemble, fonctionnent comme un éveil. En Italie il y a des événements commerciaux réservés aux femmes, qui sont fréquentés par les femmes plus jeunes, qui ne produisent cependant aucune transformation, ni ne désirent véhiculer une culture lesbienne ou alternative. Ces événements s’insèrent en fait dans le cadre de la consommation, du culte de l’argent et du status quo social.

Alors que dans les lieux de femmes qui sont aussi des lieux de vie alternative, pratique et discours doivent forcément aller de pair.

A La Porta nous sommes plus dans le "faire" (dans l’action) que dans le "dire", car les mots nous ont été volés, ou ont été corrompus par des mauvaises pratiques (politiques et ou intellectuelles). Nous essayons d’introduire la pratique du cercle de parole dans toutes les discussions pour activer l’écoute, le respect et la créativité.

Ce que nous faisons s’exprime à travers des ateliers, des travaux sur le développement personnel et des activités de transmission du savoir de femmes. Ce "faire" est visible, palpable, goûtable, compréhensible au niveau de l’expérience, et c’est une réalité en mouvement, donc en transformation, difficile à encadrer dans une théorie ou un discours. De là découle son pouvoir subversif.

A La Porta nous avons inventé le salut "Mamastrà !", un jeu de mots féminisé à partir de Ma-Maître, celle qui sait. Chaque femme avec sa spécificité et son expérience de vie unique porte en soi un enseignement pour toutes les autres, Avec ce salut nous reconnaissons chaque femme qui arrive à La Porta comme une Enseignante.

Pour produire une culture dont on puisse se nourrir, grandir et prendre du poids ou du pouvoir on a pris comme modèle notre potager synergétique.

Pour cultiver les légumes ou cultiver et faire circuler notre créativité il faut :

  • La terre, le lieu, le corps,
  • De l’investissement au niveau matériel : de l’argent qui permette d’acheter les matières premières (les plantes, les bonnes semences et les outils), et/ou de payer les artistes, les enseignantes, l’organisation des activités,
  • Beaucoup de travail et de soin,
  • Beaucoup de patience et de courage,
  • Beaucoup d’amour.

Avec ces ingrédients comme point de départ, nous "fabriquons" jour après jour notre vaste conspiration contre le pouvoir patriarcal, en cherchant avant tout à éradiquer et déconstruire ses structures binaires à l’intérieur de nous-mêmes.

Mais après tous ces mots, on se rend compte que l’unique façon pour cueillir la véritable essence de La Porta, c’est d’en faire expérience.

On vous invite donc à venir à connaitre cette terre et nous sommes à votre disposition pour tous les renseignements pratiques sur notre fonctionnement et notre organisation. Merci.

Anna Cuenca

Festival Lesbico Internazionale -una terra di donne : https://www.facebook.com/pages/Festival-Lesbico-Internazionale/428828557158065


[1Lesbacce, génial jeu de mots entre « lesbiennes/lesbiche » et « erbacce/mauvaises herbes » Lezmauvezherbes ignares (« incolte : littéralement : non cultivées ») Note de J.J.