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vendredi 2 mars 2012
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FRONT NATIONAL : IL EST URGENT DE NE PAS ATTENDRE

Nicole Sirejean, Centre évolutif Lilith, Marseille, Lesbia, mars 1997

C’est une bataille navale pas drôle du tout qui se joue en Provence depuis quelques temps. Notre belle et douce région , pour vous, amies d’ailleurs, est synonyme de vacances, de soleil et de joie de vivre…
Pour nous, autour de nous, chez nous, c’est, ville après ville, la remise en cause des droits fondamentaux qui ont été conquis patiemment comme dans toute démocratie qui se respecte.

Or, nous vivons entourées de gens qui véhiculent des idées de moins en moins respectables. Nos villes tombent aux mains de la barbarie néofasciste les unes après les autres. Orange, Marignane, Toulon, et maintenant Vitrolles, d’autres encore… Sans parler des conseillers municipaux FN, à Marseille et dans d’autres villes, minoritaires pour l’instant , qui attendent leur heure.

Dans ces lieux où le FN a pris le pouvoir, ont commencé les menaces. Contre la culture et les fonctionnaires territoriaux, contre les crèches et les services sociaux ! Des listes noires de journaux ou de livres à supprimer (à brûler ?) sont adressés aux bibliothèques municipales. Notre Simone de Beauvoir fait partie du lot…La vie associative est mise à mal : on arrête de verser les subventions aux indésirables. Les enfants musulmans sont humiliés dans les cantines par les suppressions des repas de substitution… Ce ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres !! Les opposants sont menacés, harcelés, injuriés. Une femme de Toulon a osé s’indigner, sur France 3, des atteintes portées à la culture dans sa vie. Elle est obligée de se déplacer sous protection policière après avoir reçu des menaces de mort. Elle nous disait, lors d’un meeting à Vitrolles : “Ce qui est plus grave, c’est que lorsque le FN est là, les gens se “lâchent”. Ils ne retiennent plus leurs propos racistes, xénophobes, diffamatoires. Ils se sentent protégés, cautionnés.”

Menaces, climat de haine, délation, tous les ingrédients sont là pour nous rappeler l’époque où les Français collaboraient avec l’ordre nazi. Or aujourd’hui personne ne pourra dire « je ne savais pas ». Nous en parlons et continuerons d’informer partout où cela sera nécessaire. Mais le danger immédiat réside aussi dans le fait que la diffusion de ces idées imprègne celles de la droite traditionnelle, surtout en ce qui concerne le statut des Femmes dans notre société.

Et nous lesbiennes, dans cette tourmente, que devenons‑nous ? Que deviendrons‑nous ?

L’extrême droite a toujours rejeté et condamné les modes de vie qualifiés d’irréguliers ou de marginaux. Or la haine des femmes et la suppression de leurs droits acquis, la haine des homosexuels et de la différence, le racisme, I’antisémitisme, la xénophobie, la suppression de la liberté de la culture sont les principaux vecteurs concrets de la pensée d’extrême‑droite. Il nous faut dès lors constater que toutes ces exclusions, loin d’être isolées les unes des autres, sont intimement liées car elles émanent d’une même idéologie liberticide. Gardons‑nous toujours de ne combattre ou de dénoncer parmi toutes ces haines et ces pulsions de mort, que l’une ou l’autre d’entre elles. Elles procèdent, en effet, d’un même mécanisme de pensée aboutissant à un même rejet social.

Je donnerai des exemples :
En I984, Jean‑Marie Le Pen déclarait : “L’activisme homosexuel fait peser une menace mortelle sur notre civilisation car “le plus grave péril qui menace la terre, c’est la dénatalité du monde occidental confronté à la surnatalité du tiers‑monde” (juin 1984 à Fréquence Gaie, radio FM). Pour lui, les femmes qui avortent ou utilisent la contraception sont donc, ipso facto, elles aussi, un péril grave pour le monde occidental ( en pleine dénatalité).

De même, celle condamnation de l’homosexualité repose sur une analyse raciste du monde. En fait, ce qui est visé c’est la suprématie occidentale qui risque d’être supplantée par les populations du tiers monde.

L’autre exemple est celui de Piero Buscaroli, un candidat italien au Parlement européen, appartenant au MSI, parti‑frère du FN, qui déclarait en 1994 : “Il faut des camps de concentration pour les homosexuels...”. C’est clair, les vieux démons sont toujours là ! Nombreux ont été, lors de la Seconde Guerre mondiale les hommes qui effectivement sont morts en camp de concentration parce qu’homosexuels. Les lesbiennes, elles, n’eurent même pas droit à cette identité propre puisqu’elles y étaient répertoriées parmi les asociales, avec les prostituées.

Alors quelle société veut donc mettre en place d’extrême‑droite là où elle le pourra ? Quelle sera la place des femmes et des homosexuels ?
Son unique modèle d’organisation sociale passe par le retour aux seules valeurs fondamentales de la famille, à condition, toutefois, qu’elle soit dans le mariage, chrétienne et occidentale... Pour les homosexuels, le FN ne peut remettre en vigueur les lois discriminatoires abolies en 1982 par François Mitterrand. Alors, souvent par le biais d’actions ou de déclarations violentes, il dénonce notre militantisme et s’oppose à notre reconnaissance légale (campagne contre le CUS), Là aussi la terminologie du passé resurgit, comme une vieille recette interchangeable d’une exclusion à une autre : dans la prose des journaux d’extrême droite, on stigmatise le “lobby... gay", on parle d’infiltration, de l’appareil d’État (National Hebdo, 18‑24 février 1993). Cela nous rappelle étrangement les discours antisémites sur le “lobby juif”...

Pour les femmes, la liste de celles qui sont visées est longue. Ce sont les femmes célibataires, divorcées, les mères seules, celles qui avortent ou utilisent la contraception, celles qui veulent une réelle égalité sociale avec les hommes, les femmes étrangères et, bien entendu, les lesbiennes. Elles sont foutes à vilipender ou à réduire au silence, surtout quand elles osent réclamer leurs justes droits.

Voici enfin deux citations de certains idéologues d’extrême droite. Elles attestent de l’estime que celle‑ci porte aux femmes qui veulent gérer leur existence librement, avec les mêmes droits que les hommes. II y est dénoncé –je cite- “le féminisme égalitaire” qui détruit l’identité spécifique de la femme et déstructure les relations homme femme, ainsi que, dans la foulée, le lesbianisme qui défie “les valeurs viriles” fondatrices de la culture occidentale (A. Benoist et J. Lecrozet, La Condition féminine, Éléments, mars 1976)... On cherche la place des femmes dans une telle culture !...

Le plus souvent, dons ces déclarations on voit que le lesbianisme y est surtout condamné parce que contraire à la fonction biologique et “naturelle de la femme”. Celle‑ci doit uniquement être la reproductrice de l’espèce et rester à la maison sous l’autorité de l’homme. Face à cette idéologie d’exclusion, le danger serait de rester isolées dans les espaces protégés que nous nous sommes construits. La Coordination lesbienne nationale peut être un outil efficace pour résister et lutter toutes ensemble.

Mais il faut aussi que ceux et celles qui se prétendent les défenseurs des droits de la personne se déterminent sans exclure à leur tour, et ne choisissent pas parmi les victimes potentielles de n’en défendre que certaines. C’est la raison qui m’a fait accepter de prendre la parole à Vitrolles, en janvier. C’était pendant la campagne électorale, lors d’un meeting réunissant un public mixte, sur le thème “Les Femmes et le FN”.

Nous étions à la tribune pour représenter le Collectif de défense des droits des femmes de Marseille. Celui‑ci rassemble plus de vingt associations, partis et syndicats. Le CEL y participe activement en y affirmant sa spécificité lesbienne, On m’avait demandé d’intervenir sur le thème “Le FN et l’homophobie”, en particulier celle qui vise les lesbiennes.

La réaction positive de la salle a montré que pour les personnes présentes, même sur ce sujet c’était bien de la sauvegarde de la démocratie qu’il était question. Il nous faudra continuer à saisir toutes les occasions de parler de nous, pour aider au changement des mentalités par rapport à l’homosexualité, y compris et surtout chez nos alliés potentiels. Ce sera le plus sûr rempart pour faire reculer les idées et les dangers que l’extrême‑droite commence à faire peser sur nos vies de femmes et de lesbiennes. Et si autour de nous, l’incrédulité ou l’indifférence règnent, nous pourrons, encore et encore, rappeler la déclaration célèbre du Pasteur allemand Martin Niemoller pour qu’elle devienne un jour d’actualité : “ Lorsque les nazis vinrent chercher les communistes, je me suis tu, je n’étais pas communiste. Lorsqu’ils ont enfermé les sociaux‑démocrates, je me suis tu, je n’étais pas socio‑démocrate. Lorsqu’ils sont venus chercher les juifs, je me suis tu, je n’étais pas juif. Lorsqu’ils ont cherché les catholiques, je me suis tu, je n’étais pas catholique. lorsqu’ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour protester !”.

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