TexteC8

vendredi 2 mars 2012
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Authentic Identity : Lesbians and Gays of North African Origin in France

Connexions, Special Issue on Global Lesbianism,1985 (Translated from a personal testimony, 1983)

Identité authentique : lesbiennes et gays d’origine maghrébine en France

traduction : Michèle Costedoat – Paule Martel – Amandine Agic

Badra est une lesbienne algérienne vivant actuellement en France. Comme beaucoup de femmes, elle a un choix difficile à faire : vivre dans son pays avec toutes les interdictions faites aux femmes, ou devenir en quelque sorte une réfugiée dans une société plus permissive.

Jusqu’à l’âge de 15 ans, je pensais que j’étais asexuelle. J’aimais la tendresse, j’étais très affectueuse et émotive, malgré une grande famille (huit frères et sœurs), je vivais une vie très solitaire avec pour seule compagnie, les livres. Quand j’ai eu 15 ans, j’ai commencé à attirer beaucoup l’attention des garçons, mais eux ne m’attiraient pas du tout. Mais j’avais tellement besoin de tendresse, et j’ai commencé à souffrir de ce conflit interne (cette contradiction) qui consistait à vouloir de l’amour, et en même temps refuser celui que m’offraient les garçons. J’éprouvais pour les femmes une amitié passionnée mais ne connaissait rien de l’homosexualité. Naïvement je me disait que j’étais quelqu’un qui aimait l’amour mais pas le sexe. Je me suis battue avec cela pendant des années, retenant le désir ardent que j’avais pour les caresses de femmes. J’ai appris par mes lectures, qu’il était de fait possible d’avoir une relation non seulement affectueuse mais aussi sexuelle avec une femme. Je voulais cet amour, mais je n’osais pas exprimer ouvertement mon désir, j’avais trop peur d’être rejetée.

J’ai vécu avec mon secret jusqu’au jour où j’ai décidé qu’il fallait que je montre mes sentiments et que je devais cesser de me mentir. J’avais essayé d’aimer les hommes, mais en vain. Je me suis même forcée, mais j’étais trop malheureuse. Alors j’ai quitté l’Algérie, pensant que dans une société plus ouverte je serais capable d’exprimer mes désirs librement. A l’étranger, j’ai effectivement eu quelques relations mais quelque chose n’allait pas. Je voulais que mon désir pour les femmes et le combat pour la libération des femmes algériennes ne fassent qu’un, d’autant que c’était pour elles que j’avais ressenti mes premières émotions.

De retour en Algérie, j’ai essayé d’établir ce lien en initiant le dialogue avec ma sœur cadette, car je ressentais son homosexualité naissante. Hélas, nous sommes tombées toutes les deux amoureuses de la même femme, et ceci a brusquement mis fin à notre relation. Cette expérience a été particulièrement douloureuse, car les homosexuelles qui se reconnaissent comme telles sont peu nombreuses et éloignées les unes des autres dans notre pays. Ne pas trouver un terrain d’entente entre nous nous condamne à lutter en solitaires, avec tous les moments déchirants et désespérés que cela entraîne.

Cinq ans plus tard, rien n’a changé pour moi, je n’ai pas eu la satisfaction de vivre une relation complète avec une femme algérienne. Car si peu d’entre elles acceptent d’aller jusqu’au bout. Elles se marient sous la pression de la société et se retrouvent dans les rôles traditionnels. Moi-même, je me suis mariée mais cela n’a pas duré longtemps. Je me sentais incapable de vivre une vie maritale normale. J’ai dû quitter à nouveau l’Algérie. Je souffrais trop d’avoir à cacher mon homosexualité. Peut-être ai-je manqué de courage. Mais j’étais seule, j’avais peur et n’avais pas la force de mener cette lutte seule. Mais je rêve toujours de mon idéal, qui est d’avoir une relation avec une femme algérienne en Algérie, car le combat pour un mouvement de libération des femmes requiert toutes nos énergies. Peut-être un jour…

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